Le potentiel de la chaleur fatale en Wallonie
Sommaire
Cet article est basé sur le rapport “Évaluation du potentiel de la chaleur fatale en Wallonie” réalisé par Pirotech pour la région wallonne en mars 2024, ainsi que sur des sources complémentaires analysées pour enrichir la compréhension de cette thématique cruciale pour la transition énergétique wallonne.
Introduction
Dans le contexte actuel de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique, la Wallonie fait face à des défis majeurs pour décarboner son système énergétique. Alors que la région s’est engagée dans une sortie complète des énergies fossiles à l’horizon 2050, l’identification et la valorisation de toutes les sources d’énergie renouvelable disponibles sur son territoire deviennent primordiales. Parmi ces ressources, la chaleur fatale représente un gisement énergétique considérable mais largement sous-exploité.La chaleur fatale, également appelée chaleur de récupération, désigne l’énergie thermique émise par un procédé dont elle n’est pas la finalité première.
Cette définition, retenue par la Programmation pluriannuelle de l’énergie française, s’applique parfaitement au contexte wallon où de nombreux processus industriels rejettent quotidiennement des quantités importantes de chaleur dans l’environnement sans qu’elle soit valorisée.
Cette problématique s’inscrit pleinement dans le dossier thématique sur la chaleur décarbonée, qui explore les différentes stratégies disponibles pour réduire l’empreinte carbone des systèmes de chauffage en Wallonie. La récupération de chaleur fatale constitue en effet l’une des solutions complémentaires aux technologies plus connues comme les pompes à chaleur, la biomasse ou la géothermie.
L’enjeu est d’autant plus important que le chauffage et le refroidissement représentent environ 50% de la consommation finale d’énergie en Belgique, et que 20% des émissions de gaz à effet de serre de la Wallonie sont dues au chauffage résidentiel et tertiaire [1].
Dans ce contexte, chaque source d’énergie renouvelable compte pour atteindre les objectifs climatiques régionaux. Le présent article propose une analyse approfondie du potentiel de la chaleur fatale en Wallonie, basée sur l’étude la plus récente et la plus complète réalisée sur ce sujet par le bureau d’études Pirotech pour le compte de la région wallonne [2].
Cette étude, publiée en mars 2024, constitue une mise à jour des travaux précédents et offre une vision actualisée des opportunités de valorisation de cette ressource énergétique méconnue.
Qu’est-ce que la chaleur fatale ?
Définition et caractéristiques
La chaleur fatale est définie comme “la chaleur générée par un procédé qui n’en constitue pas la finalité première, et qui n’est pas récupérée” selon le site de référence Wikipédia. Cette chaleur est qualifiée de “fatale” car elle constitue la part de l’énergie thermique produite et non utilisée lors d’un processus de production, donc inévitablement rejetée après ce processus. Néanmoins, cette chaleur peut être récupérée et valorisée.Cette énergie thermique se présente sous différentes formes selon les processus industriels concernés. Elle peut être rejetée sous forme liquide (eaux de refroidissement, purges), gazeuse (air chaud, buée, vapeur, fumées) ou diffuse (défaut d’isolation, refroidissement naturel, chaleur rayonnée) [3]. La température de ces rejets varie énormément selon les secteurs et les procédés, allant de moins de 30°C à près de 500°C.
Classification par niveau de température
La valorisation de la chaleur fatale dépend étroitement de son niveau de température, qui détermine les technologies de récupération applicables et les usages possibles. Selon les experts, trois catégories principales peuvent être distinguées :
Chaleur basse température (< 40°C) : Cette catégorie est difficilement exploitable directement. Elle nécessite généralement l’utilisation de technologies spécifiques comme les pompes à chaleur pour être valorisée efficacement.
Chaleur moyenne température (40°C à 100°C) : Cette gamme de température peut être exploitée par des systèmes de remontée en température comme les pompes à chaleur. Elle représente un potentiel intéressant pour le chauffage de bâtiments ou la production d’eau chaude sanitaire.
Chaleur haute température (> 100°C) : Ces gisements nécessitent la mise en œuvre de technologies de récupération spécifiques mais offrent les meilleures opportunités de valorisation directe, notamment pour alimenter des réseaux de chaleur ou des processus industriels.
Il est important de noter que plus de 50% de la chaleur fatale est disponible à moins de 100°C [4], ce qui souligne l’importance des technologies de récupération adaptées aux basses et moyennes températures.
Sources principales de chaleur fatale
Les sources de chaleur fatale sont nombreuses et variées dans le paysage industriel wallon.
Parmi les principales sources identifiées, on retrouve :
Dans l’industrie : les procédés de refroidissement, les fumées et parois d’appareils de chauffage (fours industriels, chaudières), les systèmes de climatisation et de réfrigération, les compresseurs de gaz nécessitant un refroidissement, et les processus de séchage qui rejettent des buées avec un gisement important.
Dans le secteur tertiaire : les systèmes d’éclairage, les serveurs de données (data centers), et les équipements de climatisation.Dans les infrastructures urbaines : l’incinération des ordures ménagères, les stations d’épuration des eaux usées, et les réseaux d’évacuation des eaux grises (eaux chaudes de bains, douches, vaisselles, lessives).
Dans les transports : les moteurs de véhicules (chaleur perdue par les radiateurs et les pots d’échappement).
Cette diversité de sources explique pourquoi la chaleur fatale représente un gisement énergétique si important et pourquoi sa valorisation constitue un enjeu majeur pour la transition énergétique.
L’étude wallonne : méthodologie et périmètre d’analyse
Contexte et objectifs de l’étude
L’évaluation du potentiel de la chaleur fatale en Wallonie s’inscrit dans le cadre de l’étude sur le réseau de chaleur en Wallonie, en application de l’article 14 de la directive 2012/27. Cette directive européenne impose aux États membres d’évaluer le potentiel de cogénération à haut rendement et de réseaux de chaleur et de froid efficaces sur leur territoire.
Pirotech a mis à jour en mars 2024 l’étude de 2020 d’évaluation du potentiel de chaleur fatale pour les 5 plus gros secteurs industriels wallons. Cette actualisation était nécessaire pour tenir compte de l’évolution des consommations énergétiques et des nouvelles données disponibles, notamment celles issues des accords de branche conclus entre les entreprises et la région wallonne.
Périmètre d’analyse et secteurs étudiés
L’étude se base sur l’analyse de 179 entités industrielles réparties dans 5 secteurs majeurs de l’économie wallonne :
- Sidérurgie (GSV) : 4 entités
2. Chimie (ESSENCIA) : 52 entités
3. Minéraux non métalliques (FEBELCEM, CARMEUSE, LHOIST, FIV, FEDIEX) : 39 entités
4. Alimentation (FEVIA) : 68 entités
5. Papier (COBELPA, FETRA, FEBELGRA) : 12 entités
Ces secteurs représentent l’essentiel de la consommation énergétique industrielle wallonne, avec un total de 35.335 GWh selon les bilans wallons de l’année 2021. La représentativité de l’échantillon étudié est excellente, puisque les données recoupées avec les entreprises en accord de branche atteignent 34.398 GWh, soit 97,3% de la consommation totale.
Méthodologie d’évaluation
La méthodologie développée par Pirotech repose sur une approche sectorielle détaillée, utilisant les données des reporting sectoriels pour l’année 2021, recoupées avec les données issues des entreprises en accord de branche des fédérations concernées.
Unités énergétiques utilisées :
L’ensemble des calculs est exprimé en GWh (finaux), avec les équivalences suivantes :
• Électricité : 1 kWh = 1 kWh
• Combustible fossile : 1 kWh = 1 kWh sur PCI (Pouvoir Calorifique Inférieur)
• Biomasse et autres renouvelables : 1 kWh sur PCI
Répartition énergétique par secteur :
L’analyse révèle une répartition caractéristique de la consommation énergétique industrielle wallonne :
| Secteur | Électricité (GWh) | Combustibles (GWh) | SER (GWh) | Total (GWh) |
| Sidérurgie | 1.706 | 2.765 | 1 | 4.472 |
| Chimie | 2.013 | 6.601 | 42 | 8.656 |
| Minéraux non métalliques | 1.561 | 8.564 | 1.587 | 11.711 |
| Alimentation | 873 | 3.885 | 921 | 5.679 |
| Papier | 233 | 788 | 2.860 | 3.880 |
| Total | 6.386 (18,6%) | 22.602 (65,7%) | 5.410 (15,7%) | 34.398 |
Cette répartition montre la prédominance des combustibles fossiles dans le mix énergétique industriel wallon (65,7%), suivis par l’électricité (18,6%) et les sources d’énergie renouvelables (15,7%). Cette structure énergétique influence directement le potentiel de récupération de chaleur fatale, les combustibles étant généralement associés à des rejets thermiques plus importants.
Approche par type de vecteur énergétique
L’originalité de la méthodologie wallonne réside dans son approche différenciée selon le type de vecteur énergétique à l’origine de la chaleur fatale. Trois catégories principales sont distinguées [1] :
1. Chaleur thermique issue de l’électricité : Cette catégorie comprend la chaleur récupérable sur les processus électriques (fours électriques, étuves, électrolyses) et sur les compresseurs (air comprimé et systèmes frigorifiques).
2. Chaleur thermique issue des combustibles : Il s’agit de la récupération sur les fumées des fours utilisant des combustibles fossiles ou de la biomasse.
3. Chaleur thermique issue du renouvelable : Cette catégorie concerne principalement la récupération de chaleur sur les processus utilisant la biomasse, notamment dans l’industrie papetière avec la liqueur noire.
Cette approche méthodologique permet une évaluation fine du potentiel de récupération en tenant compte des spécificités techniques de chaque source d’énergie et des technologies de récupération applicables.
Résultats de l’évaluation : un potentiel considérable
Potentiel global de chaleur fatale en Wallonie
L’étude révèle un potentiel total de récupération de 4.832 GWh par an, un chiffre qui place la Wallonie parmi les régions européennes disposant d’un gisement significatif de chaleur fatale. Ce potentiel représente environ 14% des besoins de chaleur de la région [5], soulignant l’importance stratégique de cette ressource pour la transition énergétique wallonne.
La répartition de ce potentiel par type de vecteur énergétique met en évidence la diversité des sources disponibles :
| Type de source | Potentiel (GWh/an) | Pourcentage |
| Combustibles | 2.084 | 43,1% |
| Électricité | 1.767 | 36,6% |
| Renouvelable | 981 | 20,3% |
| Total | 4.832 | 100% |
Cette répartition montre que la chaleur issue des combustibles représente la source la plus importante (43,1%), suivie par celle issue de l’électricité (36,6%) et du renouvelable (20,3%). Cette diversité constitue un atout majeur car elle permet d’envisager différentes stratégies de valorisation selon les technologies disponibles et les besoins locaux.
Analyse sectorielle détaillée
L’analyse par secteur industriel révèle des disparités importantes dans le potentiel de récupération, reflétant les spécificités des processus de production de chaque industrie :
1. Secteur de la chimie : 1.729 GWh/anLe secteur chimique domine largement le paysage de la chaleur fatale wallonne avec 1.729 GWh/an, soit 35,8% du potentiel total . Cette prédominance s’explique par la nature des processus chimiques qui nécessitent souvent des températures élevées et génèrent d’importants rejets thermiques.La répartition par source d’énergie dans ce secteur montre :
• Via combustibles : 828 GWh (47,9%)
• Via électricité : 674 GWh (39,0%)
• Via renouvelable : 227 GWh (13,1%)
Cette diversité des sources dans le secteur chimique offre de multiples opportunités de valorisation, depuis la récupération sur les fumées de fours jusqu’à la valorisation de la chaleur des compresseurs et des processus électriques.
2. Secteur de l’alimentation : 1.212 GWh/anL’industrie agroalimentaire arrive en deuxième position avec 1.212 GWh/an, soit 25,1% du potentiel total.
Ce secteur présente la particularité d’avoir un potentiel équilibré entre les combustibles (583 GWh) et l’électricité (629 GWh), sans contribution significative du renouvelable.Les processus agroalimentaires génèrent de la chaleur fatale à travers diverses opérations : cuisson, séchage, pasteurisation, réfrigération, et nettoyage. Les températures relativement modérées de ces rejets (souvent inférieures à 100°C) les rendent particulièrement adaptés à la valorisation dans des réseaux de chaleur urbains ou pour le chauffage de bâtiments.
3. Secteur du papier : 924 GWh/anL’industrie papetière présente un profil unique avec 924 GWh/an de potentiel, dont 76% provient de sources renouvelables. Cette spécificité s’explique par l’utilisation de la liqueur noire, un sous-produit du processus de fabrication de la pâte à papier, qui constitue une source d’énergie renouvelable importante.La répartition dans ce secteur est la suivante :
• Via renouvelable : 702 GWh (76,0%)
• Via combustibles : 185 GWh (20,0%)
• Via électricité : 37 GWh (4,0%)
4. Secteur de la sidérurgie : 702 GWh/anLa sidérurgie wallonne, malgré sa consommation énergétique importante, présente un potentiel de 702 GWh/an. Ce secteur se caractérise par des températures de rejet très élevées, particulièrement dans les aciéries électriques, offrant des opportunités de valorisation directe intéressantes.
5. Secteur des minéraux non métalliques : 265 GWh/an
Ce secteur, qui inclut notamment la production de ciment, de chaux et de matériaux de construction, présente le potentiel le plus faible avec 265 GWh/an. Cette situation s’explique par le fait que ces industries ont souvent déjà optimisé leurs processus thermiques et que leurs besoins de chaleur sont généralement situés à proximité immédiate des sources de rejet.
Analyse technique détaillée par source d’énergie
Chaleur fatale issue de l’électricité : 1.767 GWh/an
La récupération de chaleur sur les processus électriques représente 36,6% du potentiel total wallon avec 1.767 GWh/an. Cette catégorie se subdivise en deux sous-ensembles distincts aux caractéristiques techniques différentes.
Récupération sur les processus électriques : 188 GWh/an
Cette chaleur résulte de la récupération sur les procédés de chauffage électriques tels que les aciéries, fours, étuves et processus d’électrolyse. L’évaluation repose sur des hypothèses sectorielles spécifiques :
Sidérurgie : Le potentiel est calculé sur la base des consommations électriques des aciéries électriques wallonnes, soit 817 GWh de besoin en chaleur. Le pourcentage de récupération est extrapolé d’une étude de récupération de chaleur dans une aciérie wallonne, établi à 12,5%.
Chimie : L’étude estime que 35% de l’énergie électrique du secteur est utilisée pour des procédés de chauffage électrique (extrudeuses, électrolyses, processus thermochimiques). Le taux de récupération est fixé à 10%, lié au gain sur le rendement d’un récupérateur sur des fumées à 200°C.
Alimentation : 20% de l’énergie électrique du secteur est considérée comme utilisée pour des procédés de chauffage électrique (lyophilisation, étuves, fondoirs, processus de cuisson). Le taux de récupération appliqué est également de 10%.
Minéraux non métalliques et Papier : Ces secteurs ne présentent pas de procédés électriques significatifs produisant de la chaleur récupérable.
Récupération sur les compresseurs : 1.579 GWh/an
Cette source représente la part la plus importante de la chaleur fatale électrique avec 1.579 GWh/an. Elle concerne la récupération sur les compresseurs d’air comprimé et les compresseurs frigorifiques, équipements omniprésents dans l’industrie wallonne.
La méthodologie repose sur l’identification de la part d’électricité utilisée dans des compresseurs pour chaque secteur :
| Secteur | Part compresseurs | Chaleur compresseurs (GWh) | Chaleur récupérable (GWh) |
| Sidérurgie | 5% | 341 | 171 |
| Chimie | 15% | 1.208 | 604 |
| Minéraux non métalliques | 5% | 312 | 156 |
| Alimentation | 35% | 1.223 | 611 |
| Papier | 8% | 74 | 37 |
Le calcul de la chaleur compresseur se base sur un coefficient d’efficacité énergétique (EER) de 4, hypothèse couramment utilisée dans l’industrie. La part de chaleur récupérable est estimée à 50% sur la base de l’efficacité des échangeurs à plaques à contre-courant.Le secteur de l’alimentation présente le potentiel le plus élevé (35% de consommation électrique dédiée aux compresseurs) en raison de l’importance des systèmes de réfrigération et de conservation dans cette industrie.
Chaleur fatale issue des combustibles : 2.084 GWh/an
La récupération sur les fumées des fours utilisant des combustibles constitue la source la plus importante de chaleur fatale en Wallonie avec 2.084 GWh/an, soit 43,1% du potentiel total. Cette prédominance reflète l’importance des combustibles fossiles dans le mix énergétique industriel wallon (65,7% de la consommation totale).
Méthodologie d’évaluation
L’évaluation repose sur l’estimation de la chaleur consommée (chaleur utile) et de la chaleur récupérable pour chaque secteur. La chaleur consommée est calculée en estimant la quantité de chaleur utile au chauffage du procédé, le solde constituant la chaleur perdue potentiellement récupérable.Rendements sectoriels utilisés :
Sidérurgie : Le rendement de combustion d’un four sans récupérateur avec des fumées à 650°C est calculé à 69% sur la base d’abaques pour les fours de réchauffage sans récupérateur.
Chimie : La chaleur consommée représente 48% de la consommation de combustible, valeur basée sur l’analyse des 6 plus grandes entreprises du secteur.
Minéraux non métalliques : Le rendement de combustion d’un four avec récupérateur avec des fumées à 150°C est évalué à 93% (four rotatif).
Alimentation : Le rendement saisonnier d’une chaudière est estimé à 70%.
Papier : La chaleur consommée pour le procédé et l’auto-production électrique du secteur est estimée à 53%.
Taux de récupération par secteur
Les pourcentages de chaleur récupérable varient significativement selon les secteurs, reflétant leurs spécificités techniques et leurs contraintes opérationnelles :
| Secteur | Consommation combustible (GWh) | Chaleur consommée (GWh) | Taux récupération | Chaleur récupérable (GWh) |
| Sidérurgie | 2.765 | 1.659 (60%) | 50% | 829 |
| Chimie | 6.601 | 3.290 (48%) | 25% | 828 |
| Minéraux non métalliques | 8.564 | 7.965 (85%) | 10% | 60 |
| Alimentation | 3.885 | 2.719 (70%) | 50% | 583 |
| Papier | 788 | 433 (55%) | 50% | 185 |
Sidérurgie : 50% de chaleur récupérable (haute température), reflétant les importantes opportunités offertes par les fumées à haute température des fours sidérurgiques.
Chimie : 25% de chaleur récupérable, valeur limitée par le fait qu’une partie significative de cette chaleur est déjà récupérée pour l’auto-production d’électricité dans de nombreuses installations.
Minéraux non métalliques : 10% de chaleur récupérable, tenant compte du fait qu’il y a très peu de besoins de chaleur à proximité de ce type d’entreprise et que les processus sont souvent déjà optimisés.
Alimentation et Papier : 50% de chaleur récupérable sur la chaleur basse température (< 100°C), particulièrement adaptée aux réseaux de chaleur urbains.
Chaleur fatale issue du renouvelable : 981 GWh/an
Cette catégorie, représentant 20,3% du potentiel total avec 981 GWh/an, se compose principalement de deux éléments :
Chaleur fatale de la liqueur noire : 672 GWh/an
La liqueur noire, sous-produit du processus de fabrication de la pâte à papier, constitue la source principale de chaleur fatale renouvelable en Wallonie. Avec 2.860 GWh de consommation de cette source d’énergie renouvelable dans le secteur papetier, le potentiel de récupération est estimé à 672 GWh/an.Le calcul repose sur une chaleur consommée de 53% (1.516 GWh) et un taux de récupération de 50%, similaire aux autres sources de chaleur basse température. Cette ressource présente l’avantage d’être à la fois renouvelable et disponible en continu, contrairement à d’autres sources d’énergie renouvelable intermittentes.
Potentiel renouvelable non comptabilisé : 308 GWh/an
Cette catégorie concerne la récupération d’énergie thermique sur des investissements valorisant des énergies renouvelables utilisées à des fins thermiques, mais qui ont été identifiés sans être encore réalisés. Ces chiffres se basent sur la consolidation de 515 études de préfaisabilité réalisées dans le cadre des accords de branche, couvrant la biomasse sèche, la biomasse humide, la cogénération biomasse, le solaire thermique et les pompes à chaleur.
La répartition sectorielle de ce potentiel montre :
| Secteur | Potentiel renouvelable (GWh) |
| Chimie | 227 |
| Minéraux non métalliques | 49 |
| Papier | 30 |
| Sidérurgie | 3 |
| Alimentation | 0 |
| Total | 308 |
Le secteur chimique domine cette catégorie avec 227 GWh, reflétant les nombreuses opportunités d’intégration d’énergies renouvelables dans les processus chimiques wallons.
Opportunités de valorisation et applications
Intégration dans les réseaux de chaleur
La valorisation de la chaleur fatale trouve une application particulièrement prometteuse dans le développement des réseaux de chaleur en Wallonie. Selon l’étude du Service Public de Wallonie, les réseaux de chaleur pourraient couvrir 44% des besoins en énergie finale et 70% des besoins de chaleur en Wallonie [6].Le potentiel de 6,3 TWh par an de chaleur fatale identifié par le SPW représente 14% des besoins de chaleur de la région [6]. Plus spécifiquement, 2.400 GWh de chaleur fatale pourraient être récupérés par des réseaux de chaleur [7], soit environ la moitié du potentiel total identifié par l’étude Pirotech.
Cette différence s’explique par les contraintes géographiques et techniques de raccordement aux réseaux. La proximité entre les sources de chaleur fatale et les zones de consommation constitue en effet un facteur déterminant pour la faisabilité économique des projets.
Répartition du potentiel par secteur de consommation
L’analyse du SPW révèle que le potentiel de substitution par les réseaux de chaleur varie significativement selon les secteurs de consommation [8] :
Secteur résidentiel : 84% des besoins de chaleur peuvent être substitués par des réseaux de chaleur. Cette forte proportion s’explique par l’adéquation entre les températures de distribution des réseaux (60-70°C) et les besoins de chauffage des logements.
Secteur tertiaire : 54% des besoins peuvent être couverts. Ce secteur, incluant les bureaux, magasins et équipements publics, présente des besoins de chaleur moins importants mais souvent concentrés géographiquement.
Secteur industriel : 29% des besoins peuvent être substitués. Cette proportion plus faible s’explique par les températures élevées souvent requises par les processus industriels (>140°C), que les réseaux de chaleur conventionnels ne peuvent couvrir.
Applications directes et indirectes
La chaleur fatale peut être valorisée selon deux approches principales [9] :
Valorisation interne
Le site industriel récupère et exploite sa propre chaleur fatale pour ses besoins internes. Cette approche présente l’avantage de la simplicité de mise en œuvre et de la maîtrise complète du système par l’exploitant.
Applications typiques :
• Préchauffage de processus industriels
• Chauffage des bâtiments industriels et administratifs•Production d’eau chaude sanitaire
• Séchage de produits ou de matières premières
Valorisation externe
L’énergie est réinjectée dans un réseau externe ou vendue à un site voisin. Cette approche nécessite des investissements plus importants mais peut générer des revenus complémentaires pour l’entreprise.
Applications possibles :
• Alimentation de réseaux de chaleur urbains•Fourniture de chaleur à des entreprises voisines
• Chauffage de serres agricoles
• Alimentation de piscines publiques ou centres aquatiques
Usages directs et indirects
La chaleur récupérée peut être utilisée directement pour le chauffage ou indirectement pour la production d’autres formes d’énergie [10] :
Usages directs : chauffage de locaux, production d’eau chaude sanitaire, séchage, alimentation de réseaux de chaleur, processus industriels nécessitant de la chaleur.
Usages indirects : production d’électricité par cycle organique de Rankine (ORC), production d’air comprimé, recompression de vapeur, production d’énergie mécanique.
Technologies de récupération
Le choix de la technologie de récupération dépend étroitement du niveau de température de la source et de l’usage envisagé :
Pour les basses températures (< 100°C)
Pompes à chaleur : Permettent de relever le niveau de température pour des applications de chauffage. Particulièrement adaptées aux rejets de compresseurs frigorifiques et aux eaux de refroidissement.
Échangeurs thermiques : Solution simple et efficace pour la récupération directe sur les circuits d’eau ou d’air.
Stockage thermique : Utilisation de matériaux à changement de phase pour stocker la chaleur et la restituer selon les besoins.
Pour les moyennes et hautes températures (> 100°C)
Récupérateurs sur fumées : Échangeurs spécialisés pour la récupération sur les gaz de combustion.
Cycles thermodynamiques : Cycles organiques de Rankine (ORC) pour la production d’électricité à partir de chaleur moyenne température.
Chaudières de récupération : Pour la production de vapeur à partir de gaz chauds.
Comparaison avec d’autres régions et pays
Contexte européen
La Wallonie s’inscrit dans un mouvement européen de valorisation de la chaleur fatale. Selon les données de l’ADEME, le gisement de chaleur fatale facilement valorisable dans l’industrie française serait de 12 TWh/an, de quoi chauffer un million de logements. Cependant, seulement 0,4 TWh était exploité en 2020, soit environ 3,3% du potentiel.En comparaison, le potentiel wallon de 4,832 TWh/an pour une région de 3,6 millions d’habitants représente un gisement proportionnellement important. Rapporté à la population, la Wallonie présente un potentiel de chaleur fatale par habitant supérieur à la moyenne française, reflétant la densité industrielle de la région.
Répartition sectorielle comparative
La répartition sectorielle du gisement français selon l’ADEME [11] montre :
• Agro-alimentaire : 31%
• Chimie plastique : 22%
• Papier carton : 13%
• Métaux dont sidérurgie : 12%
• Matériaux non métalliques : 11%
• Raffinage : 3%
• Autres : 8%
Cette répartition présente des similitudes avec la situation wallonne, où la chimie et l’agroalimentaire dominent également le paysage de la chaleur fatale. Cependant, la Wallonie se distingue par l’importance relative du secteur papetier, qui bénéficie de la valorisation de la liqueur noire.
Initiatives européennes
Plusieurs pays européens ont développé des politiques volontaristes pour la valorisation de la chaleur fatale :Danemark : Pionnier des réseaux de chaleur, le Danemark valorise massivement la chaleur fatale industrielle et des incinérateurs. Environ 50% de la population danoise est raccordée à un réseau de chaleur [12].
Allemagne : Le pays a développé un cadre réglementaire favorable à la cogénération et aux réseaux de chaleur, avec des mécanismes de soutien spécifiques pour la valorisation de la chaleur fatale.
France : Le fonds chaleur de l’ADEME, doté de 350 millions d’euros, finance des projets de récupération de chaleur fatale jusqu’à 50% de l’assiette éligible pour les petites entreprises.
Objectifs belges et wallons
Le Plan belge Énergie-Climat prévoit un doublement de la production de chaleur renouvelable dans les 10 prochaines années, passant de 8,7 TWh (2016) à 14,2 TWh en 2030 [13]. Cette progression de 5,5 TWh pourrait être significativement alimentée par la valorisation de la chaleur fatale wallonne.Si l’ensemble du potentiel wallon de 4,832 TWh/an était valorisé, il représenterait près de 88% de l’augmentation prévue au niveau belge, soulignant l’importance stratégique de cette ressource pour l’atteinte des objectifs nationaux.
Défis et obstacles à la valorisation
Barrières techniques
La valorisation de la chaleur fatale se heurte à plusieurs défis techniques majeurs qui expliquent en partie le faible taux d’exploitation actuel de cette ressource.
Inadéquation temporelle
L’un des principaux obstacles réside dans le décalage temporel entre la production de chaleur fatale et les besoins de consommation. Les processus industriels fonctionnent souvent en continu ou selon des cycles de production spécifiques, tandis que les besoins de chauffage des bâtiments suivent des variations saisonnières et journalières marquées.Cette problématique nécessite le développement de solutions de stockage thermique, technologies encore coûteuses et complexes à mettre en œuvre à grande échelle. Les matériaux à changement de phase et les stockages souterrains représentent des pistes prometteuses mais nécessitent des investissements de recherche et développement importants.
Inadéquation géographique
La distance entre les sources de chaleur fatale et les zones de consommation constitue un autre défi majeur. Les sites industriels sont souvent situés en périphérie des zones urbaines, nécessitant des réseaux de transport de chaleur sur de longues distances.Le transport de chaleur sur de grandes distances entraîne des pertes thermiques importantes et des coûts d’infrastructure élevés. Selon les experts, la rentabilité des réseaux de chaleur diminue rapidement au-delà de quelques kilomètres de transport [14].
Niveaux de température inadéquats
Comme mentionné précédemment, plus de 50% de la chaleur fatale est disponible à moins de 100°C [15], nécessitant des technologies de remontée en température pour de nombreuses applications. Les pompes à chaleur industrielles, bien qu’en développement, restent coûteuses et leur efficacité diminue avec l’écart de température à combler.
Barrières économiques
Investissements initiaux élevés
La mise en place de systèmes de récupération de chaleur fatale nécessite des investissements importants, particulièrement pour les projets de réseaux de chaleur. Les temps de retour sur investissement, généralement compris entre 8 et 16 ans, peuvent décourager les investisseurs privés.Cette problématique est accentuée par la difficulté d’évaluer précisément la rentabilité des projets en raison de l’incertitude sur les prix futurs de l’énergie et l’évolution des consommations.
Modèles économiques complexes
La valorisation externe de chaleur fatale nécessite la mise en place de modèles économiques complexes impliquant plusieurs acteurs : producteur de chaleur fatale, gestionnaire de réseau, consommateurs finaux. La répartition des coûts et des bénéfices entre ces différents acteurs constitue souvent un point de blocage dans le développement des projets.
Concurrence avec les énergies conventionnelles
Malgré la volatilité récente des prix de l’énergie, les combustibles fossiles restent souvent compétitifs face aux investissements de récupération de chaleur fatale, particulièrement lorsque les coûts externes (émissions de CO2, pollution) ne sont pas internalisés dans les prix.
Barrières réglementaires et administratives
Cadre réglementaire insuffisant
Bien que la Wallonie ait adopté en octobre 2020 un cadre réglementaire pour les réseaux de chaleur, celui-ci reste minimal et ne prévoit pas de mécanismes de soutien spécifiques à la valorisation de la chaleur fatale [16]. L’absence de tarifs de rachat garantis ou de mécanismes de soutien dédiés limite l’attractivité économique des projets, contrairement à d’autres sources d’énergie renouvelable qui bénéficient de cadres incitatifs plus développés.
Complexité administrative
Le développement de projets de valorisation de chaleur fatale, particulièrement les réseaux de chaleur, nécessite de nombreuses autorisations et implique de multiples acteurs (communes, gestionnaires de voirie, distributeurs d’énergie). Cette complexité administrative allonge les délais de développement et augmente les coûts de transaction.
Manque de coordination
L’absence de coordination entre les différents niveaux de pouvoir (fédéral, régional, local) et les différents secteurs (industrie, énergie, urbanisme) limite le développement d’une approche intégrée de la valorisation de la chaleur fatale.
Défis organisationnels
Manque de sensibilisation
De nombreuses entreprises industrielles ne sont pas suffisamment sensibilisées au potentiel de valorisation de leur chaleur fatale. L’absence de données précises sur les gisements disponibles et les technologies applicables limite l’émergence de projets.
Compétences techniques
La mise en œuvre de projets de récupération de chaleur fatale nécessite des compétences techniques spécialisées encore peu répandues sur le marché wallon. Le développement de ces compétences constitue un enjeu important pour la filière.
Résistance au changement
Les entreprises industrielles peuvent être réticentes à modifier leurs processus de production pour intégrer des systèmes de récupération de chaleur, par crainte d’impacts sur leur activité principale ou de complications opérationnelles.
Recommandations et perspectives d’avenir
Stratégies de développement
Face au potentiel considérable identifié et aux défis à surmonter, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour accélérer la valorisation de la chaleur fatale en Wallonie.
Approche progressive par secteur
Priorisation des secteurs à fort potentiel : Les secteurs de la chimie (1.729 GWh/an) et de l’alimentation (1.212 GWh/an) devraient faire l’objet d’une attention prioritaire, représentant à eux seuls 61% du potentiel total [17]. Ces secteurs présentent l’avantage d’avoir des rejets thermiques souvent compatibles avec les besoins de chauffage urbain.
Développement de projets pilotes : La mise en place de projets de démonstration dans chaque secteur prioritaire permettrait de valider les technologies, d’affiner les modèles économiques et de sensibiliser les acteurs industriels.
Ces projets pourraient bénéficier de soutiens publics renforcés pour compenser les surcoûts liés à l’innovation.
Mutualisation intersectorielle : L’identification de zones industrielles où plusieurs secteurs sont présents pourrait permettre de développer des synergies et de mutualiser les investissements d’infrastructure. Les parcs industriels existants constituent des cibles privilégiées pour ce type d’approche.
Développement territorial intégré
Planification énergétique territoriale : L’intégration de la valorisation de la chaleur fatale dans les plans énergétiques communaux et intercommunaux permettrait d’optimiser l’adéquation entre l’offre industrielle et la demande urbaine. Cette approche nécessite une cartographie fine des gisements et des besoins à l’échelle locale.
Zones d’aménagement concerté : Le développement de nouveaux quartiers ou la rénovation de zones urbaines existantes devraient systématiquement intégrer l’évaluation des possibilités de raccordement à des sources de chaleur fatale industrielle. Cette approche préventive est plus efficace que les adaptations a posteriori.
Corridors énergétiques : L’identification et la protection d’espaces dédiés au passage de réseaux de chaleur entre les zones industrielles et urbaines faciliteraient le développement futur de projets. Ces corridors pourraient être intégrés dans les documents d’urbanisme.
Mesures de soutien nécessaires
Cadre réglementaire renforcé
Obligation d’étude de valorisation : L’instauration d’une obligation d’étude de valorisation de la chaleur fatale pour les nouvelles installations industrielles ou les rénovations importantes permettrait de systématiser l’identification des opportunités. Cette mesure, déjà en vigueur dans certains pays européens, pourrait être adaptée au contexte wallon.
Mécanismes de soutien financier : Le développement de tarifs de rachat garantis pour la chaleur fatale injectée dans les réseaux, sur le modèle des certificats verts pour l’électricité renouvelable, créerait un cadre économique favorable aux investissements.
Simplification administrative : La création d’un guichet unique pour les projets de valorisation de chaleur fatale, regroupant l’ensemble des autorisations nécessaires, réduirait les délais et les coûts de développement.
Instruments économiques
Fonds de garantie : La création d’un fonds de garantie public pour les investissements de récupération de chaleur fatale réduirait les risques perçus par les investisseurs privés et faciliterait l’accès au financement.
Subventions ciblées : Des subventions spécifiques aux études de faisabilité et aux investissements de récupération de chaleur fatale, calibrées selon la taille des entreprises et le potentiel des projets, accéléreraient le développement de la filière.
Fiscalité incitative : L’instauration d’avantages fiscaux pour les investissements de récupération de chaleur fatale (amortissements accélérés, crédit d’impôt) améliorerait la rentabilité des projets.
Développement des compétences
Formation spécialisée : Le développement de formations spécialisées dans les technologies de récupération de chaleur fatale, en partenariat avec les universités et centres de formation wallons, permettrait de disposer des compétences techniques nécessaires.
Centres de compétences : La création de centres de compétences régionaux, associant recherche, formation et accompagnement des entreprises, faciliterait le transfert de technologies et le développement de l’expertise locale.
Réseau d’experts : La constitution d’un réseau d’experts et de consultants spécialisés dans la valorisation de la chaleur fatale offrirait un accompagnement technique aux entreprises intéressées.
Innovation technologique
Recherche et développement
Technologies de stockage : Le développement de solutions de stockage thermique adaptées aux contraintes industrielles constitue un enjeu majeur pour résoudre les problèmes d’inadéquation temporelle. Les recherches sur les matériaux à changement de phase et les stockages souterrains devraient être prioritaires.
Pompes à chaleur industrielles : L’amélioration de l’efficacité et la réduction des coûts des pompes à chaleur haute température permettraient de valoriser une plus grande part des rejets basse température.
Réseaux intelligents : Le développement de réseaux de chaleur intelligents, capables de gérer de multiples sources et de s’adapter aux variations de production et de consommation, optimiserait l’utilisation de la chaleur fatale.
Digitalisation
Monitoring en temps réel : L’installation de systèmes de monitoring permettant de mesurer en continu les rejets thermiques industriels faciliterait l’identification des opportunités et l’optimisation des systèmes de récupération.
Plateformes d’échange : Le développement de plateformes numériques mettant en relation producteurs et consommateurs de chaleur fatale pourrait faciliter l’émergence de nouveaux modèles économiques.
Jumeaux numériques : L’utilisation de jumeaux numériques pour modéliser les systèmes de récupération de chaleur fatale permettrait d’optimiser leur conception et leur exploitation.
Perspectives d’évolution
Évolution du contexte énergétique
L’évolution du contexte énergétique européen et wallon devrait favoriser le développement de la valorisation de la chaleur fatale dans les prochaines années.
Hausse des prix de l’énergie : La volatilité et la tendance haussière des prix de l’énergie améliorent la compétitivité économique des projets de récupération de chaleur fatale. Cette évolution devrait se poursuivre avec la mise en place progressive de la tarification carbone.
Renforcement de la réglementation climatique : Le durcissement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tant au niveau européen que wallon, créera des incitations supplémentaires à la valorisation de toutes les sources d’énergie renouvelable disponibles.
Développement des réseaux de chaleur : L’objectif de développement des réseaux de chaleur en Wallonie créera de nouveaux débouchés pour la chaleur fatale industrielle. La synergie entre ces deux politiques devrait s’amplifier.
Évolution technologique
Maturité technologique croissante : Les technologies de récupération de chaleur fatale continuent de progresser en termes d’efficacité et de réduction des coûts. Cette évolution devrait accélérer leur déploiement commercial.
Intégration systémique : L’évolution vers des approches systémiques intégrant production, stockage, transport et consommation de chaleur permettra d’optimiser l’ensemble de la chaîne de valorisation.
Économie circulaire : L’intégration de la valorisation de la chaleur fatale dans les démarches d’économie circulaire des entreprises créera de nouvelles opportunités de développement.
Potentiel d’impact
Si l’ensemble du potentiel identifié de 4.832 GWh/an était valorisé, l’impact serait considérable pour la Wallonie :
Réduction des émissions : En substitution aux combustibles fossiles, cette valorisation permettrait d’éviter l’émission d’environ 1,2 million de tonnes de CO2 par an, soit près de 3% des émissions totales de la Wallonie.
Sécurité énergétique : La valorisation de cette ressource locale réduirait la dépendance énergétique de la région et améliorerait sa résilience face aux crises énergétiques.
Développement économique : Le développement de la filière chaleur fatale pourrait créer plusieurs centaines d’emplois directs et indirects en Wallonie, dans les domaines de l’ingénierie, de la construction, de l’exploitation et de la maintenance.
Compétitivité industrielle : La valorisation de la chaleur fatale permettrait aux entreprises wallonnes de réduire leurs coûts énergétiques et d’améliorer leur compétitivité, tout en renforçant leur image environnementale.
Conclusion
L’évaluation du potentiel de la chaleur fatale en Wallonie révèle l’existence d’un gisement énergétique considérable de 4.832 GWh par an, largement sous-exploité à ce jour. Cette ressource, équivalente à 14% des besoins de chaleur de la région, représente une opportunité majeure pour accélérer la transition énergétique wallonne et atteindre les objectifs de décarbonation fixés à l’horizon 2050.
L’analyse sectorielle met en évidence la prédominance des secteurs de la chimie (1.729 GWh/an) et de l’alimentation (1.212 GWh/an), qui concentrent à eux seuls 61% du potentiel total. Cette concentration sectorielle offre l’avantage de permettre une approche ciblée et progressive du développement de la filière, en commençant par les gisements les plus importants et les plus facilement valorisables.
La diversité des sources de chaleur fatale identifiées – issues des combustibles (43,1%), de l’électricité (36,6%) et du renouvelable (20,3%) – constitue un atout majeur pour la robustesse et la résilience du système énergétique wallon. Cette diversité permet d’envisager différentes stratégies de valorisation selon les technologies disponibles, les contraintes locales et les besoins des consommateurs.
Cependant, la valorisation de ce potentiel se heurte à des défis techniques, économiques et réglementaires significatifs. L’inadéquation temporelle et géographique entre production et consommation, les investissements initiaux élevés, et l’insuffisance du cadre réglementaire actuel constituent autant d’obstacles à surmonter pour libérer ce potentiel.
Le développement de la valorisation de la chaleur fatale en Wallonie nécessite une approche intégrée combinant innovation technologique, soutien public et coordination entre acteurs. Les recommandations formulées – renforcement du cadre réglementaire, mécanismes de soutien financier, développement des compétences et innovation technologique – dessinent les contours d’une politique publique ambitieuse pour cette filière.
L’enjeu dépasse la seule dimension énergétique. La valorisation de la chaleur fatale s’inscrit dans une logique d’économie circulaire qui transforme un “déchet” énergétique en ressource valorisable. Cette approche contribue simultanément à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’amélioration de la sécurité énergétique, au développement économique local et au renforcement de la compétitivité industrielle wallonne.Dans le contexte européen de transition énergétique accélérée et de recherche d’autonomie énergétique, la Wallonie dispose avec la chaleur fatale d’un atout considérable pour réussir sa transformation énergétique. La mobilisation de cette ressource locale et renouvelable pourrait positionner la région comme un territoire pionnier dans la valorisation de l’énergie de récupération, créant un avantage concurrentiel durable pour son industrie.
L’étude de Pirotech fournit les bases scientifiques et techniques nécessaires pour engager cette transformation. Il appartient désormais aux décideurs politiques, aux acteurs industriels et aux opérateurs énergétiques de s’emparer de ces résultats pour concrétiser le potentiel identifié. L’urgence climatique et les enjeux de souveraineté énergétique rendent cette mobilisation plus nécessaire que jamais.
La chaleur fatale wallonne représente ainsi bien plus qu’une simple opportunité énergétique : elle constitue un levier stratégique pour une transition énergétique juste, durable et créatrice de valeur pour l’ensemble du territoire wallon.