Partages d’énergie

Préambule 

L’article que vous vous apprêtez à lire, publié en 2022, constitue une excellente introduction pédagogique aux concepts de partage d’énergie. Ses schémas clairs et son analyse détaillée des modèles de répartition (fixe, équitable, prorata) en font une base solide pour comprendre les mécanismes fondamentaux des communautés énergétiques. Cependant, en 2025, le paysage de l’énergie décentralisée a subi une transformation radicale, passant de modèles de répartition théoriques à des écosystèmes énergétiques intelligents, autonomes et intégrés. Ce préambule a pour objectif de vous fournir une grille de lecture contemporaine, enrichissant la vision de 2022 avec les révolutions technologiques, économiques et sociales qui redéfinissent aujourd’hui le partage d’énergie.

La révolution Blockchain et Smart Contracts 

Là où l’article de 2022 décrit des modèles de répartition nécessitant une gestion centralisée, nous parlons aujourd’hui de marchés décentralisés automatisés. La technologie blockchain et les smart contracts permettent désormais des échanges d’énergie directs (peer-to-peer) entre membres, sans intermédiaire. Les transactions sont sécurisées, transparentes et exécutées automatiquement selon des règles prédéfinies. Cette évolution transforme la simple « répartition » en un véritable marché local de l’énergie, où chaque membre peut acheter et vendre son surplus en temps réel.

L’Intelligence Artificielle 

Les modèles de répartition statiques présentés dans l’article sont aujourd’hui dépassés par l’intelligence artificielle (IA). Les plateformes modernes n’appliquent plus des règles fixes, mais utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour prédire la production et la consommation, et optimiser en temps réel les flux énergétiques. L’IA apprend les habitudes de chaque membre, anticipe les besoins et pilote automatiquement les équipements (stockage, bornes de recharge) pour maximiser l’autoconsommation et minimiser les coûts pour l’ensemble de la communauté.

L’Intégration de la mobilité électrique 

L’une des évolutions les plus significatives est l’intégration des véhicules électriques comme des actifs flexibles au sein des communautés. Grâce au Vehicle-to-Grid (V2G), les batteries des voitures ne sont plus de simples consommateurs, mais des unités de stockage mobiles capables de réinjecter de l’énergie dans le réseau communautaire lors des pics de demande. Cette capacité transforme radicalement la gestion du stockage et la flexibilité des communautés.

Vers des Communautés Énergétiques Autonomes

L’article de 2022 décrit  les « comment » de la répartition énergétique. Ce préambule vous invite à découvrir les « pourquoi » et les « comment » de la révolution en cours. Les communautés d’énergie ne sont plus de simples groupes de partage, mais des écosystèmes intelligents et autonomes, où la technologie (blockchain, IA) est au service d’un projet social, économique et environnemental. Elles sont le laboratoire de la transition énergétique de demain : décentralisée, démocratique et numérique.

Introduction

Le système énergétique actuel est en pleine transformation et tend vers toujours plus de décentralisation. Ceci s’explique notamment par une volonté citoyenne grandissante de participer à la transition énergétique amorcée il y a quelques années. En plus de cela, beaucoup d’entreprises et de particuliers ont pour objectif de décarboner leurs consommations énergétiques en ayant recours à des énergies vertes plus respectueuses de l’environnement.

En réponse à ces volontés, le modèle de partage d’énergie apparaît comme une solution tout à fait adéquate. Le partage d’énergie peut prendre différentes formes. Elles reposent toutes sur la mutualisation des moyens de production et de stockage de l’électricité((https://www.cwape.be/node/158)).

Autoconsommation individuelle/collective – L’autoconsommation correspond à la production plus ou moins égale à la consommation d’énergie renouvelable par un foyer ou un immeuble collectif .L’énergie produite est consommée localement et instantanémentà l’échelle du bâtiment.

 

Communauté d’énergie renouvelable – Les CER ont pour but de produire, consommer, stocker et vendre de l’électricité. Elles peuvent regrouper des particuliers, des petites et moyennes entreprises et des autorités locales. Un périmètre local est défini par le Gouvernement, en accord avec le gestionnaire du réseau concerné. Ce périmètre doit se situer en aval de postes publics de transformation électrique. Il est défini en fonction de la pertinence de la production d’électricité dans ce périmètre et de l’autoconsommation collective locale potentielle. Les unités de production produisent de l’énergie renouvelable et peuvent être installées sur les bâtiments ou librement sur le périmètre local((Bricourt, P. (2021, 30 mars). Feedback : Webinar – Les communautés d’énergie, outil pour la transition énergétique ? Ma CER. https://macer.clustertweed.be/2021/05/01/feedback-liege-creative/)).

Communauté d’énergie citoyenne – Aucune restriction n’est prévue en ce qui concerne les participants potentiels à une communauté d’énergie citoyenne. En revanche un contrôle effectif devra être réalisé par des personnes physiques. Dans ce type de communautés, et seulement dans celles-ci, la production d’électricité à partir de sources non renouvelables est autorisée. Le périmètre de la communauté n’est pas non plus limité. Tout comme pour les CER, les installations ne seront pas forcément liées à des bâtiments.

Les partages d’énergie fonctionnent selon quelques grands principes repris en détail sur le site https://macer.clustertweed.be/. Ce site internet dédié spécifiquement aux communautés d’énergie renouvelables reprend toutes les informations nécessaires sur le sujet. De plus, le gouvernement est actuellement en cours d’élaboration d’un décret visant à encadrer les échanges et partages d’énergie. Pour en savoir plus sur la réglementation et son application, consultez cette page.

En résumé, il existe5 critères principaux qui cadrent les communautés d’énergie renouvelables :

  • Une CER doit être une entité juridique (asbl, coopérative, …).
  • Son objectif principal n’est pas la recherche du profit mais plutôt de générer des bénéfices sociaux, environnementaux ou économiques.
  • La communauté doit reposer sur une participation citoyenne ouverte et volontaire.
  • Seuls les citoyens, les PME et les autorités locales peuvent être membres d’une communauté d’énergie renouvelable.
  • La communauté doit être gérée localement par ses membres (citoyens,PME autorités locales).

Pour qu’un partage d’énergie soit pertinent, il est évident que celui-ci doit répondre à quelques principes importants:

  • Production suffisante
  • Production disponible sur le long terme
  • Stabilité de la communauté (assurer le modèle économique)
  • Diversité des profils de production
  • Diversité des profils de consommation

Répartition de l’énergie

Les membres de la communauté ayant chacun des besoins et des consommations en électricité différentes, la question de la proportion de l’énergie produite par les installations communes distribuée à chaque consommateur doit être analysée afin de garantir le bon fonctionnement de la collectivité.

Le partage s’effectue tous les quarts d’heure par le réseau public, à l’aide de compteurs intelligents selon le mode de répartition choisi par la communauté. Attention toutefois que ces modèles sont évidemment théoriques, ils ne représentent en aucun cas le trajet des électrons réellement en mouvement dans le réseau.

Plusieurs modes de répartition sont envisageables, ayant chacun des points forts et des points faibles:

Modèle fixe

Un pourcentage fixe de l’injection totale d’énergie est attribué à chaque participant, selon des critères prédéfinis. Cette quote-part peut être fonction de la puissance de soutirage de chaque consommateur, du tarif d’achat, de la consommation individuelle ou encore de l’investissement de chacun dans le projet d’installation d’énergie renouvelable commune.

Ce type de répartition peut engendrer de fortes disparités entre les gros et petits investisseurs, risquant d’exclure de la communauté les personnes en situation de précarité énergétique. De plus, dans un modèle de répartition fixe, il existe un grand risque de surplus résiduel non autoconsommé si le consommateur ayant la plus grosse part ne consomme pas l’intégralité de ce qui lui est attribué. Lorsque celui-ci est absent ou consomme moins durant un intervalle de temps, le surplus est renvoyé sur le réseau, alors que d’autres membres de la communauté pourraient en bénéficier.

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Parts attribuées

Modèle équitable 

La production est répartie de manière égale entre chaque participant ayant une consommation non-nulle au moment de la répartition. Cette manière de répartir l’énergie produite provoque moins de discriminations entre participants de la communauté. De la même manière que pour le modèle fixe, le risque de surplus non autoconsommé est grand, même lorsque la quantité d’énergie produite est inférieure à la consommation totale de la communauté.

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Autoconsommation collective

Modèle au prorata

Répartition au prorata de la consommation individuelle par rapport à la consommation totale de la communauté. Répartir l’énergie selon ce modèle permet d’utiliser l’entièreté de la production, sans injection vers le réseau BT. L’énergie mise à disposition de chaque membre de la communauté est proportionnelle à sa consommation propre. Toutefois, ce modèle provoque des discriminations envers les personnes faisant des efforts d’économie d’énergie. En effet, les clients résidentiels consommant peu sont incapables de couvrir l’entièreté de leurs besoins, face aux gros consommateurs journaliers de la communauté (restaurants, écoles, bâtiments publics…).

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Conso. inst. / Conso. tot.

Modèle hybride

Répartition de la production en deux temps: d’abord une répartition équitable, ensuite une répartition au prorata. Le surplus non autoconsommé des membres ayant été satisfaits lors de la première répartition est réparti par la suite entre les consommateurs ayant une consommation toujours non-nulle au second tour. Durant la première étape de répartition, tout le monde reçoit la même quantité d’énergie, permettant ainsi aux plus petits consommateurs de la communauté d’atteindre une meilleure autosuffisance. Les plus gros consommateurs sont encore une fois favorisés lors de la deuxième phase de répartition((Frippiat, J. (2020, juin). Autoconsommation collective, le partage de l’énergie au sein d’une communauté (Mémoire). https://hera.futuregenerations.be/fr/portal/publication/autoconsommation-collective-le-partage-de-lenergie-au-sein-dune-communaute)).

Boucle 1 – répartition équitable

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Autoconsommation collective

Boucle 2 – répartition au prorata

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Conso. inst. / Conso. tot.

Modèle en cascade

Enchaînement de répartitions équitables entre les consommateurs ayant une consommation non-nulle. Le surplus non autoconsommé par certains au tour précédent sera redistribué équitablement lors du prochain tour vers d’autres consommateurs de la communauté. Dans ce modèle, on ne sait donc jamais le nombre d’itérations successives nécessaires avant que l’énergie produite soit totalement consommée par la communauté (ou renvoyée sur le réseau)((Communautés d’énergie et autoconsommation collective : partageons nos énergies ! (2020, 18 décembre). SPW Wallonie. https://energie.wallonie.be/fr/18-12-2020-communautes-d-energie-et-autoconsommation-collective-partageons-nos-energies.html?IDD=146181&IDC=8187)).

Boucle 1 – répartition équitable

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Autoconsommation collective

Boucle 2

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Conso. inst. / Conso. tot.

Boucle n

Rouge = Consommation de la communauté
Bleu foncé = Production de la communauté
Bleu clair = Surplus non autoconsommé
Pourcentage = Conso. inst. / Conso. tot.


Avantages et inconvénients du partage d’énergie

Avantages

  • Offre la possibilité de devenir acteur de la transition énergétique, en investissant dans les énergies renouvelables.
  • Coordination et optimisation au sein d’un sous-réseau de la production, de la consommation et du stockage de l’énergie.
  • Permet de coordonner les investissements dans des nouvelles technologies.
  • Réalisation d’économies dans le développement et le renforcement du réseau de distribution.
  • Favorise une “smartisation du réseau” via les compteurs intelligents, ce qui permet d’une part d’éveiller la société à un changement de son mode de consommation d’électricité et d’autre part de redynamiser la compétitivité énergétique wallonne.
  • Accessible à tous, y compris les locataires et les personnes n’ayant pas la possibilité (financière ou espace disponible) d’acquérir des moyens de production décentralisés.
  • Dynamise les territoires locaux en impliquant des acteurs locaux, favorisant ainsi des retombées positives sur l’économie et les emplois de la localité.
  • Accélération du temps de retour sur investissement pour les propriétaires d’une installation en revendant leur surplus à un prix supérieur au prix du kWh actuellement renvoyé sur le réseau.
  • Economies pour les membres d’une communauté car ils achètent le surplus à un prix inférieur au prix du kWh du réseau, tout en ayant des garanties sur son origine renouvelable et locale.

Inconvénients

  • Cadre légal important qui limite fortement la participation et le rôle de certains acteurs
  • Obligation de disposer d’une personnalité juridique distincte de celle de ses membres (personne morale).
  • Obligation d’être propriétaire des unités de production et de stockage utilisées pour le partage.
  • Les installations représentent souvent des budgets importants.
  • Il existe toujours des frais de réseauliés à la consommation de l’électricité.

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