Chauffage au bois de l’hôpital de Dave

Chauffage au bois de l'hôpital de Dave   

Vue de l’hôpital Saint-Martin à Dave : première photographie représente le bâtiment qui est alimenté par la chaufferie au bois, deuxième photographie est une vue champêtre, bucolique de la vallée de la Meuse prise de l’hôpital.


Introduction

En 2005, la direction de l’hôpital neuro-psychiatrique Saint-Martin à Dave, près de Namur, a décidé de mettre en œuvre un plan majeur pour réduire la consommation énergétique de leur établissement ainsi que pour réduire la facture et l’empreinte environnementale associée. En effet, avant cette phase d’amélioration, l’institution consommait approximativement 1 200 000 litres de mazout par an pour réaliser le chauffage des locaux et la production d’eau chaude sanitaire (ECS). On imagine la charge que représentait ce poste de chauffage pour l’institution.

Dans une démarche globale, de bonnes performances énergétiques sont obtenues premièrement en réduisant les besoins finaux du bâtiment et deuxièmement en produisant la chaleur restante avec des systèmes de production efficaces. En outre, si ces derniers sont basés sur des énergies renouvelables, la réduction de l’impact environnemental peut être très conséquente.

De manière consistante, l’institution a d’abord entrepris une démarche de réduction des besoins de chaleur par une démarche globale d’utilisation rationnelle de l’énergie (URE). Ils ont travaillé au niveau des performances de l’enveloppe en plaçant des doubles vitrages, au niveau de la régulation des systèmes de chauffage en plaçant des vannes thermostatiques sur les émetteurs et en réalisant des régimes de coupure ou ralentis (suivant les cycles jour/nuit, semaine/week-end). Toute politique véritablement efficace s’accompagne d’un changement de comportement des utilisateurs. Parallèlement, des démarches de sensibilisation ont dès lors été réalisées au niveau du personnel et des patients.

Il restait ensuite à produire le besoin résiduel de manière efficace. La direction de l’établissement a décidé de produire une partie de la chaleur au moyen d’une chaudière automatique à plaquettes. Celle-ci remplace trois chaudières au mazout qui réalisaient le chauffage de 9 000 m² de locaux.

Cette étude de cas est une version étendue des fiches produites par le facilitateur bois-énergie orienté secteur public pour le compte de la Région wallonne. Cette fonction de facilitateur est réalisée par la Fondation Rurale de Wallonie (FRW) dans la personne de Francis Flahaux. Cette fiche technique est disponible via le site internet de la FRW (ouverture d'une nouvelle fenêtre ! http://www.frw.be/). En outre, le projet de l’institution de Dave s’intègre dans le Plan Bois-Énergie et Développement Rural (PBE&DR – ouverture d'une nouvelle fenêtre ! https://www.frw.be/pbe.html) pour la Wallonie.

Logo Fondation Rurale de Wallonie.


Description de l’installation de chauffage au bois

La chaudière à plaquette KÖB Pyrtec a une puissance nominale de 950 kW et remplace trois chaudières au mazout pour le chauffage de 9 000 m² de locaux. Elle couvre un besoin final d’approximativement 2 700 000 kWh/an. Comme la chaudière a une plage de modulation de puissance de 285 à 950 kW, elle réalise directement le chauffage des locaux sur une grande partie de l’année. Une chaudière de sauvegarde au mazout de 1 100 kW a été installée.

La consommation de la chaudière à plaquettes représente un volume annuel de 2 800 mètres cubes apparents (map). Il s’agit de plaquettes de granulométrie de 30 mm et d’un taux d’humidité de 30 % (c’est-à-dire G30/W30). Par grand froid, en faisant l’hypothèse que la chaudière fonctionne à puissance nominale de manière continue, celle-ci consommerait 950 kW*24 h/jour, soit 22 800 kWh/jour. Si on prend comme base un PCI de 1 000 kWh/map, la chaudière peut ingérer 22.8 map de bois par jour dans les conditions climatiques extrêmes. Afin de garantir une certaine autonomie, les concepteurs ont opté pour un silo de 180 m³. Pour un tel volume, un bâtiment spécifique a été érigé. Il est constitué du silo à plaquettes placé à côté d’une nouvelle chaufferie.

    

Photographies du nouveau bâtiment constitué de la chaufferie (partie en bardage clair avec la cheminée) et du silo de stockage des plaquettes (partie en bardage foncé). La dernière figure est une vue à l’intérieur du silo prise à partir de la chaufferie.


Le silo à plaquettes

Le silo à plaquettes à un volume de 180 m³. Il est implanté en contrebas d’un talus important ce qui permet de pouvoir l’alimenter par un camion sans devoir créer une rampe par terrassement. Les plaquettes sont versées par des trappes aménagées dans le toit du silo.

        

Illustration de la topologie du terrain qui permet d’alimenter directement le silo en plaquettes de bois.

Au fond du silo, on trouve le dispositif d’extraction des plaquettes, il s’agit d’un racleur hydraulique aussi appelé planché à tiroir. Ce dispositif amène les plaquettes au niveau du sol entre le silo et la chaufferie où elles seront alors transportées via un système de vis sans fin et de retour d’angle vers la chaudière.

        

Vue du bas du plancher tiroir où les plaquettes sont extraites et acheminées via une vis sans fin et retour d’angle vers la chaudière.


La chaudière à plaquettes

On peut maintenant passer à la description de la chaudière proprement dite. Celle-ci occupe la plus grande partie de la chaufferie.

   

Chaudière KÖB Pyrtec au sein de la chaufferie et son schéma de principe à droite.

Dans le schéma de principe ci-dessus, on repère l’alimentation par une vis sans fin (qui se trouve du côté gauche de la chaudière dans le cas de l’hôpital de Dave). On distingue le principe de combustion sur grille mobile où le bois est attaqué par l’air primaire de combustion. À la fin de la combustion, les cendres sont poussées en bout de course vers le cendrier. Après la phase primaire de combustion, les gaz riches cheminent vers l’échangeur où ils sont attaqués par l’air secondaire de combustion avant de rentrer dans celui-ci. Sur la face avant de la chaudière, on repère le système pneumatique qui permet racler les échangeurs pour les maintenir propres.

 

La première photographie représente l’ouverture sur le foyer maintenu en dépression par le ventilateur d’extraction de la chaudière. La deuxième photographie est un zoom sur la combustion sur la grille.

L’alimentation de la chaudière

La chaudière est alimentée en bas à gauche par une vis sans fin. À l’admission de celle-ci, on trouve la fin du dispositif de transport composé d’une vis sans fin avec retour d’angle. Intercalé entre les deux, on place un dispositif coupe-feu afin d’éviter que celui-ci ne propage en cas d’accident entre la chaudière et le silo.

Alimentation de la chaudière : en bas, la vis d’alimentation et haut, la vis de transport provenant du silo.

Le cendrier

Le volume de cendre généré est loin d’être négligeable comme on peut s’en convaincre par la taille du cendrier.

Vue sur le cendrier principal et de sa connexion avec la chaudière.


Analyse économique

Le cas de l’installation au bois de l’hôpital de Dave est un cas typique qui permet d’illustrer les grands enjeux de la conception d’une installation au bois. Ceux-ci ont été énoncés dans la section de choix du combustible.

Le vecteur énergétique est la plaquette de bois. Nous l’avons dit, la consommation correspond à 2 800 map/an. Pour garantir une certaine autonomie, les concepteurs ont choisi de bâtir un silo de 180 m³. Afin de trouver un tel volume et de pouvoir placer la chaudière proche du stockage, un nouveau bâtiment a été spécialement créé.

Cela modifie radicalement la clef de répartition des coûts. Pour un investissement total TVAC de 360 000 €, le gros œuvre représente 240 000 € pour 100 000 € pour la chaudière et ses périphériques. Même si au départ, les chaudières au bois sont plus chères que leurs homologues mazout ou gaz naturel, le gros œuvre fait croître considérablement les coûts. Citons que le coût des études et de la coordination s’élève à 20 000 €.

Comment rentabiliser un tel surinvestissement  par rapport à une chaudière fuel ? Par kWh, les plaquettes sont significativement moins chères que le fioul. Si on prend un prix du mazout à 5.3 c€/kWh et un prix de 2.3 c€/kWh pour les plaquettes en janvier 2010, on obtient une différence de 3 c€/kWh. En supposant que la chaudière au bois a un rendement équivalent à une chaudière au mazout standard, on retrouve cette différence de 3 c€ au niveau de la facture. La chaudière consomme 2 800 map/an soit approximativement 2 400 000-2 800 000 kWh/an. Par conséquent, si le prix des énergies reste identique, chaque année la consommation de plaquettes à la place de mazout permet d’économiser 72 000 €.  On estime le temps de retour simple sur l’investissement proche de 5 ans. Sur base des calculs réalisés par le facilitateur, celui-ci estime le temps de retour simple à 7,8 ans. Au regard de la durée d’utilisation d’un tel matériel qui avoisine les 20 ans, le rentabilité économique du projet semble clairement prouvée.


Performances environnementales

Si on considère les émissions de gaz nocifs émis par la combustion, on voit que la chaudière au bois permet de réduire significativement l’empreinte environnementale. Il faut du moins que la forêt de laquelle sont extraites les plaquettes soit gérée de manière durable.

Si on considère le cycle complet du combustible, c’est-à-dire en intégrant les processus énergivores de l’extraction, du conditionnement et du transport, on peut prendre une émission de 327 grammes d’équivalent CO2 émis par kWh pour la fioul et de 25 grammes par kWh pour les plaquettes. Si on intègre le cycle de vie complet, l’impact du bois-énergie sur l’émission de gaz à effet de serre n’est pas nul, mais il est de loin inférieur par rapport aux énergies fossiles. Dans le cas du mazout, la différence est estimée à 302 grammes de CO2 par kWh. Si on reprend la consommation annuelle de la chaudière de 2 400 000-2 800 000 kWh, les plaquettes permettent de réduire l’émission de 724-845 tonnes d’équivalents CO2 par an ! Le facilitateur estime quant à lui, cette réduction à 583 tonnes par an. En termes de production de SO2, cette réduction serait de 1 120 kg/an.

La combustion du bois peut-être source de particules fines particulièrement nocives pour la santé. Dans le cas de l’installation de l’hôpital Saint-Martin de Dave, la chaudière est munie d’un dispositif de filtrage des fumées de combustion afin que celles-ci ne soient rejetées dans l’atmosphère.

   

Cyclone de décendrage des fumées avec un cendrier en contrebas.


Partenaires du projet et contacts

  • Facilitateur Bois-Énergie pour le secteur public et coordinateur du plan PBE&DR, Francis Flahaux de la Fondation Rurale de Wallonie (FRW), e-mail : pbe@frw.be

Combustion du bois

Date : 17/02/2010

Auteur : Laurent G.

Notes :

  • mise en page – 1er passage, Sylvie 08.2010 (liens, mise page, Antidote).

Produits de la combustion

On peut commencer par des remarques générales sur les produits de combustion. Ensuite, les spécificités du bois-énergie sont introduites.

Émission de C02 et cycle du carbone

Le bois-énergie, par exemple les bûches ou les pellets, est une énergie renouvelable. Le CO2 qui est libéré durant la combustion correspond à la quantité de CO2 prélevée par le végétal à l’atmosphère durant sa vie. Ce processus de capture est opéré par la photosynthèse. Sur un cycle complet de vie, le bilan de la combustion du bois est donc nul : le CO2 est prélevé dans l’atmosphère pour ensuite lui être restitué par la combustion du bois mort. En effet, si l’Homme n’avait pas brûlé ce bois, il se serait décomposé naturellement et aurait de toute manière libéré la même quantité de CO2 dans l’atmosphère. L’impact en termes d’émission de gaz à effet de serre (GES) est donc théoriquement neutre dans la mesure où le cycle de vie du bois est relativement court. On comprend dès lors tout l’intérêt de promouvoir ce type d’énergie.

Illustration du cycle du Carbone : bilan équivalent entre le décomposition du végétal dans la nature et sa combustion.

Comme nous venons de l’évoquer, le bois-énergie a globalement un effet positif pour réduire notre émission de GES. Il faut veiller à valoriser ce potentiel et de ne pas le dégrader. En effet pour que l’impact positif sur l’environnement soit réel, il faut que :

  • La forêt soit gérée de manière durable ;
  • l’énergie fossile dépensée pour la gestion, le transport et le conditionnement du bois-énergie soit minimisée.

Sur base des chiffres de l’année 2010 et en considérant les filières d’approvisionnement standards pour les applications domestiques, on peut approximativement compter que pour 1 kWh de bois-énergie, il faut 0.2 kWh d’énergie fossile pour des pellets et 0.1 kWh d’énergie fossile pour des bûches. En conclusion, l’impact en termes d’émission de GES n’est pas totalement nul, mais reste de loin meilleur que pour les énergies fossiles traditionnelles.

Émission de gaz nocifs et de particules fines

Comme toute combustion, il reste l’émission d’H2O à l’état gazeux, de NOx et de SOX. Il faudra être tout aussi vigilant à respecter les normes d’émission pour le bois-énergie que pour le gaz, le charbon ou le mazout. De manière générale, une bonne combustion du bois génère peu de SOx, le bois contenant initialement peu de soufre comparé par exemple au fioul. En ce qui concerne la formation de NOx, elle comparable au fioul et au gaz lorsque le bois est brûlé de manière efficace.
Néanmoins, les caractéristiques mécaniques et thermo-chimiques du bois qui interviennent lors de la combustion sont particulières et plus délicates que les vecteurs énergétiques classiques (c’est-à-dire le gaz naturel ou mazout). Par conséquent, obtenir une combustion efficace est moins évident à atteindre. Quand la combustion est sous-optimale, une série de gaz nocif supplémentaire est émise lors de la combustion. Une mauvaise combustion peut être obtenue si la température de la combustion est trop basse, notamment dû à un taux d’humidité trop élevé du bois, si la quantité d’air de combustion est insuffisante ou si le temps de contact entre l’air et le combustible est trop court. Ces problèmes peuvent être évités en travaillant avec des chaudières ou poêles modernes, bien dimensionnés, et un combustible avec un taux d’humidité acceptable.
En termes d’émission nocive, on trouve les composés organiques volatiles (COV), en particulier, le benzène, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les dioxines et les furannes. En outre, les fumées peuvent contenir du goudron et du charbon. Le goudron peut venir se condenser sur les parties froides de l’installation et venir l’encrasser : l’échangeur thermique de la chaudière ou la cheminée. La combustion du bois est particulièrement émettrice de particules très fines, de diamètre aérodynamique inférieur à 1µm, très néfastes pour la santé, car susceptibles d’être inhalées. L’étanchéité de l’installation est donc primordiale.
Le but de cette section n’est pas de faire le point sur l’émission de la combustion du bois-énergie. Néanmoins, on peut dire que qualitativement, ces émissions nocives sont d’autant plus faibles que la combustion s’opère dans les meilleures conditions. Par conséquent, il est important de promouvoir les appareils de combustion les plus performants et un combustible de qualité (c’est-à-dire un taux d’humidité acceptable). Dans ces conditions, l’impact sur l’environnement et sur les occupants est maîtrisé.

Minéraux et production de cendres

Les minéraux contenus dans le bois sont à l’origine de la production de cendres lors de la combustion.
La température de fusion des cendres, c’est-à-dire à laquelle elles passent de l’état solide à l’état liquide, dépend de leur composition. Il faut que la température à laquelle s’opère la combustion reste inférieure à cette température de fusion des cendres. En effet, il faut éviter que celles-ci ne coulent et viennent se solidifier sur des équipements du foyer (phénomène de vitrification). Les appareils de combustion modernes sont conçus pour répondre à cette contrainte.
Lors de la combustion du bois, des cendres dites « volantes » sont présentes dans les fumées. Elles ne constituent pas un polluant dans la mesure où il s’agit des minéraux initialement stockés dans le bois qui retournent à la nature. Néanmoins, il faut veiller à ne pas les inhaler dans la mesure où leur diamètre leur permet de se fixer dans les poumons. L’étanchéité de l’installation est donc primordiale.
Retirer les cendres, le « décendrage », demande une certaine manutention. La fréquence de nettoyage dépend essentiellement de la consommation et du volume du cendrier. On peut citer des périodes de quelques semaines à quelques mois pour le chaudières domestiques.
À noter que dans certaines conditions, les cendres sont des polluants. C’est le cas lorsqu’on brûle du bois de démolition qui est couvert d’enduits ou des végétaux qui ont absorbé des minéraux d’un sol pollué. Ce sont des éléments exogènes au bois qui génèrent des produits dangereux pour l’homme et l’environnement. Les équipements, notamment les filtres, doivent être adaptés à ce type de bois.

Quantité d’air nécessaire

On peut commencer par des remarques générales sur la quantité d’air nécessaire pour ensuite introduire les spécificités du bois-énergie.

L’excès d’air

L’alimentation en air pour la combustion du bois possède des propriétés similaires, mais aussi spécifiques. L’excès d’air a toujours pour vocation d’assurer un taux d’oxygène suffisant dans chaque zone du foyer. À défaut de la quantité requise, la combustion est incomplète et génère des imbrûlés ainsi que des gaz nocifs.
À l’opposé, un excès d’air trop important engendre une dilution des fumées, ce qui engendre un abaissement de la température et par conséquent des pertes à la cheminée plus importantes (vu que la récupération de chaleur par la chaudière sera moins efficace). En outre, une température trop basse peut aboutir à une mauvaise combustion. Il faut donc contrôler soigneusement l’excès d’air pour une bonne combustion : ni trop faible, ni trop important.
Typiquement, on trouve des excès d’air de 50 % pour les chaudières domestiques, soit une valeur plus élevée que pour la combustion du gaz naturel ou du fioul (approximativement 20%).

L’air primaire et secondaire

Dans le cas du bois, la combustion s’opère essentiellement en deux phases. C’est ce qui nous a amenés à développer une section spécifique pour ce vecteur énergétique. Nous ne développerons pas ici les différents processus thermo-chimiques qui ont lieu dans ces deux étapes. Cela risquerait d’alourdir inutilement le propos.
Ce qui est important de retenir, en termes d’alimentation en air de combustion, est que ces deux étapes nécessitent toutes deux une certaine quantité d’air. On parlera de l’air primaire et de l’air secondaire. Ces deux apports peuvent s’opérer dans des zones distinctes du foyer ou au travers d’un seul flux d’air (auquel cas, il jouera le rôle à la fois d’air primaire et secondaire). Les chaudières, voire les poêles (pour des applications domestiques), les plus performantes ont une amenée d’air spécifique pour l’air primaire et secondaire. Le foyer peut même être conçu pour que les deux phases de combustion s’opèrent dans des zones physiquement séparées.

Illustration du concept d’air primaire et secondaire pour la combustion du bois.

Le pouvoir calorifique du bois

Avant d’introduire des spécificités du bois-énergie, on peut consulter les notions générales de pouvoir calorifique sur la page précédente. On y avait défini le pouvoir calorifique par unité de masse pour des combustibles purs. Cela s’applique particulièrement bien aux combustibles gazeux ou liquides comme le gaz naturel et le mazout. La conversion en PCI par unité de volume, c’est-à-dire par litre ou par m³, est assez aisée.
Le pouvoir calorifique du bois par unité de volume dépend, quant à lui, de certaines caractéristiques du bois. Cette valeur n’est donc pas constante. Il s’agit essentiellement de l’influence des éléments exogènes que le bois contient (de la quantité d’eau et de minéraux), ainsi que de sa masse volumique. Toujours dans le cas du bois, c’est bien le PCI exprimé par unité de volume qui nous intéresse. En effet, mis à part certains types de conditionnement comme les pellets, on achète le bois par unité de volume : par m³ ou par stère. Il est donc vital de connaître le contenu énergétique de ce que l’on achète et donc d’un volume de bois.
Pour obtenir cela, notre raisonnement part du PCI par kg de bois pur. On introduit ensuite la diminution du pouvoir calorifique induite par la teneur en eau et en minéraux. On passe ensuite au pouvoir calorifique par unité de volume par l’introduction de la masse volumique qui dépend de l’espèce de bois. Quand vous achetez un m³ de bois, il existe entre les différents constituants du tas (des bûches, des pellets ou des plaquettes) des vides. Bien évidemment, ces vides contiennent de l’air et n’ont aucun pouvoir énergétique. Il faut donc déduire le nombre de m³ de bois plein contenu dans un m³ de votre tas pour connaître le PCI réel.

Humidité du bois

Le bois contient deux formes d’humidité :

  • L’humidité intrinsèque : c’est l’eau qui est intégrée, liée à la structure moléculaire du bois. Cette quantité est déterminée par des laboratoires. Elle se traduit notamment pas des valeurs différentes pour la composition chimique générique du combustible, CHyOx.
  • L’humidité extrinsèque : c’est l’humidité qui dépend des conditions climatiques. Plus précisément, le bois peut contenir des molécules d’eau entre ces fibres sans pour autant l’intégrer à sa structure moléculaire. Il peut s’agir de la sève que contient un bois vert ou de l’humidité induite par les conditions climatiques (pluie ou humidité de l’air).

Cette dernière quantité nous intéresse dans la mesure où elle peut varier au cours du temps avec la diffusion de l’eau vers l’atmosphère, si celui-ci est plus sec que le bois. Cela explique pourquoi on met sécher le bois à l’abri avant son l’utilisation : cela permet de diminuer sa teneur en eau extrinsèque.
Il y a deux manières d’exprimer la quantité d’eau extrinsèque du bois. D’abord, on exprime l’humidité relative soit en kg d’eau par kg de bois sec (sous l’abréviation DM pour « dry matter »), soit en kg d’eau par kg de bois humide (sous l’abréviation FM pour « fresh matter ») :

Humidité relative matière sèche :  [H2O]DM = kgeau / kgbois,anhydre

Humidité relative matière humide :  [H2O]HM = kgeau / kgbois,humide

État du bois Humidité relative (FM)
Bois vert 50 %
Bois séché à l’air et à l’abri pendant 1 an 30 %
Bois séché à l’air et à l’abri pendant 2 ans 20 %
Bois anhydre 0 %

Teneur en cendres

Si le bois contient beaucoup de minéraux, ceux-ci vont être à la source de cendres. On peut exprimer leur teneur par rapport à la masse brute du bois, contenant à la fois de l’humidité extrinsèque et des minéraux :

Bois brut = bois avec une certaine quantité d’humidité exogène et de minéraux

[Ce]brut = kg minéraux par kg de bois brut = kgminéraux/kgbois,brut

[H2O]brut = kg eau par kg de bois brut = kgeau/kgbois,brut

Influence sur le PCI par unité de masse

  • Si on considère un bloc de bois anhydre (c.à.d. sans eau) sans impuretés (c’est-à-dire de minéraux), sa composition sera proche de la valeur évoquée dans la formule définie pour les combustibles purs, c’est-à-dire CH1.44O0.66, il présentera alors un PCI de 18 400 kJ/kg. Cette valeur ne dépend donc pas de l’essence du bois. La valeur est la même pour 1 kg d’épicéa sec et pur que pour 1 kg de chêne sec et pur.
  • Si on considère l’influence de l’humidité extrinsèque et de la présence de minéraux, il voit diminuer le PCI par kg de bois brut (c’est-à-dire contenant à la fois de l’humidité et des minéraux). D’un coté, on aura simplement moins de bois pur et sec par kg de bois brut (effet de dilution). Et d’un autre coté, l’eau extrinsèque utilisera une partie de l’énergie contenue dans le bois pur et sec pour se vaporiser (effet de vaporisation). Cela peut se chiffrer de manière simple en kJ par kg de bois brut (c.à.d humide avec minéraux) :

PCIbrut = (1 – [Ce]brut – [H2O]brut) 18 400 – 2 501 [H2O]brut   en [kJ/kgbrut]

De nouveau, le résultat est identique quelque soit l’essence de bois considéré. À titre d’exemple, si on prend un bois avec peu de minéraux, faisons l’hypothèse que [Ce]brut est nul. Avec 50 % d’humidité relative, ce qui est un bon ordre grandeur pour un bois vert, on trouve un PCIbrut de 7 950 kJ/kg de bois vert. On est de loin inférieur au 18 400 kJ/kg du bois anhydre (sans humidité extrinsèque).

Sur base de cette constatation, l’intérêt d’utiliser du bois sec est évident. Cela explique l’intérêt de mettre sécher du bois avant son utilisation. Lors d’un achat de bois, le teneur en eau est donc un paramètre important. Sur le marché, le bois séché est d’ailleurs plus cher qu’un bois plus humide.

Influence sur le PCI par unité de volume

Comme évoqué ci-dessus, on ne fait pas de distinction entre les essences de bois. En effet, les résultats sont aussi bien valables pour du chêne, du hêtre que pour du sapin. Pourtant, l’expérience de tous les jours nous apprend qu’il faut faire attention à l’essence du bois lorsque l’on « fait du feu » ou lorsque l’on achète du bois. Cela semble en contradiction par rapport à ce qu’il a été évoqué. Où est l’astuce ?

L’astuce tient au fait que vous n’êtes pas vraiment intéressé par le pouvoir calorifique de votre bois par unité de masse [kJ/kg] mais bien par unité de volume [kJ/m³].

En effet, votre poêle ou chaudière fait un certain volume. Vous pouvez dès lors placer un certain volume de bois dans cet espace. En ce qui concerne la masse que vous y placez, vous n’avez pratiquement aucun contrôle. C’est avant tout le volume de bois qui est déterminant. En outre, vous n’achetez souvent pas du bois par kg ou tonne mais bien en fonction du volume. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce dernier point à la section suivante parce qu’il appelle à un complément d’information.

En fait, la masse volumique du bois, c’est-à-dire le nombre de kg par m³, varie fortement entre les différentes essences. Du coup, dans un même volume de bois, vous n’avez pas le même potentiel énergétique pour toutes les essences. Voilà l’astuce ! Le PCI par m³ varie en fonction des essences et pas le PCI par kg.

Masse volumique de différentes essences (source Valbiom)

Masse volumique [kg/m³] Bois vert (frais, HR : 40-60 %) Bois sec à l’air (18 mois, HR : 25-30 %) Bois anhydre (0 % d’eau)
Chêne 1 000 750 625
Hêtre 980 750 625
Epicéa 760 450 400
Douglas 550 460
Sapin pectiné 970 550 46

Influence sur le PCI du volume apparent

Pour conclure l’analyse, il y a encore une nuance à apporter et non la moindre. Quand vous achetez du bois, vous n’achetez pas des blocs homogènes de matière.
En gros, vous achetez des tas ou des agglomérats : des tas de pellets, de plaquettes ou de bûches. Entre les différents éléments constituants du votre tas (des pellets, des plaquettes ou des bûches) vous avez des vides. Et donc quand vous achetez 1 m³ de votre tas, vous n’avez pas 1 m³ de bois plein ! Cette distinction nous permet d’introduire la notion de volume apparent.

Evolution du volume apparent pour une même quantité de  bois en fonction de la taille de la découpe (qui influence la quantité de « vides » entre les bûches).

Le volume apparent, c’est le volume de votre tas qui contient un certain volume de bois plein et un certain volume des vides entre ces différents éléments. Pour un empilement donné, le coefficient d’empilage (CE) est le rapport entre le volume de bois plein et le volume du tas :

Coefficient d’empilage (CE) = m³bois plein/m³apparent,

PCI par m³apparent = CE x masse volumique x PCIbrut,

On peut donc en conclure que le PCI par m³ apparent est influencé par l’essence du bois au travers de la masse volumique et par l’empilement. Le PCI par kg dépend quant à lui du taux d’humidité et de cendres.
Suivant le conditionnement (plaquettes, bûches ou pellets), on trouve des terminologies différentes concernant la notion de volume apparent (par exemple, « stère » pour les bûches ou « map » pour les plaquettes). Ces différences sont introduites dans les pages spécifiques à chaque conditionnement. Néanmoins, derrière ces différents vocables se cache toujours la même idée.

Documents de référence sur l’éolien

Documents de référence sur l'éolien

Voici une série de documents de référence qui permettent de connaître les diverses contraintes et législations en vigueur lors de l’établissement d’un projet d’éoliennes :

  •  Vade-Mecum non technologique du candidat à l’implantation d’une petite éolienne, en cours de réalisation par l’APERe. Ce document reprend les diverses étapes pour l’implantation d’une petite puissance (inférieure à 10 kW). Mars 2018 : partiellement obsolète, notamment par rapport aux règles d’urbanisme suite à l’adoption du CoDT).
  • Cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne. Le développement éolien est régi par un cadre de référence qui définit les orientations stratégiques de la filière. Bien que sans force légale, « le cadre de référence » est un document approuvé par le gouvernement wallon en juillet 2013. On y retrouve des consignes relatives aux règles et procédures à respecter, aux éléments à prendre en considération lors du développement d’un projet (par exemple, les distances par rapport à certaines infrastructures, les zones dans lesquelles il est souhaitable de développer des parcs, le type de machine, etc …
  • CoDT (Code de développement territorial) définit les règles urbanistiques notamment d’implantation des éoliennes et décrit les critères des zones « capables » le long des infrastructures de communication où l’on peut implanter de l’éolien sans justifier de la dérogation au plan de secteur.

Considérer l’aspect économique de l’installation d’une éolienne

Considérer l'aspect économique de l'installation d'une éolienne


La durée d’utilisation des éoliennes

Afin de déterminer la rentabilité d’un projet éolien, il faut connaître le nombre d’années durant lesquelles on espère pouvoir exploiter ses éoliennes. On parle de durée d’utilisation. Cette notion est un peu différente de la durée de vie. En effet, à la fin de la durée d’utilisation escomptée de votre matériel, il se peut que celui-ci garde un certain potentiel pour continuer à fonctionner, notamment au travers d’une grosse révision, ou une mise à niveau. Ce matériel n’est donc pas mort. Pour réaliser une étude économique, on prend en compte la durée d’utilisation. La durée de vie est au moins égale à la durée d’utilisation :

durée d’utilisation <= durée de vie.

La durée de vie d’une éolienne dépend essentiellement de la qualité du projet (choix d’un bon site, d’une bonne machine, d’une bonne hauteur de mât, etc.) mais aussi de la qualité de la maintenance. Installer une éolienne demande de s’en occuper régulièrement quand elle est installée. Dans la suite de cette section dédiée à la durée d’utilisation, on supposera toujours que le matériel est entretenu de manière rigoureuse.

Durée d’utilisation et de vie

Cela dépend essentiellement de la taille de l’éolienne. Plus une éolienne est grande et plus sa durée de vie est importante. En effet, les fluctuations de vent sont relativement moins importantes sur une grande éolienne. En outre, pour les puissances plus importantes, la maintenance sera réalisée par des sociétés spécialisées et formées sur le type de matériel installé. Par conséquent, la qualité de la maintenance est meilleure comparée à une petite éolienne où le propriétaire devra, plus que probablement, assurer lui-même la majeure partie du suivi.

  • Les micro-éoliennes [0,1 à 0,4 kW] et mini-éoliennes [0,4 à 2 kW] : La durée de vie dépend fortement du matériel et de sa mise en œuvre. On peut travailler sur une base de 6 à 12 ans. Un paramètre qui permet d’évaluer la robustesse du matériel est le rapport entre le poids de l’éolienne rapporté par m² de surface balayée par le rotor. Autrement dit, cela donne une idée de la masse disponible pour supporter une certaine « densité de force ». Plus le poids de l’éolienne par m² est important, plus elle est susceptible d’être robuste. Ce n’est pas garanti, mais c’est un bon indicateur. Une éolienne légère correspond à approximativement 10 kg/m² alors qu’une éolienne massive tourne autour des 20 kg/m². À noter que sur cette gamme de micro-éoliennes, les frais de maintenance et de réparation sont souvent difficiles à justifier d’un point de vue purement économique.
  • Éoliennes domestiques [2 à 30 kWh]  : La durée de vie peut aller de 15 à 20 ans avec une bonne maintenance et un bon monitoring.
  • Petites éoliennes commerciales [30 à 120 kWh]  : On tourne autour de 20 ans, toujours dans de bonnes conditions de maintenance. Dans certains cas, on commence à avoir des durées d’utilisation inférieures à la durée de vie de l’éolienne.
  • Moyennes et grandes éoliennes commerciales [120 à 3 000 kWh] : La durée d’utilisation est de typiquement 20 à 25 ans.
  • Géantes commerciales [3 000 à 8 000 kWh] :
    Ces éoliennes sont plus récentes. Leur durée de vie est estimée entre 20 et 30 ans en fonction des constructeurs et de l’entretien.

Investissement

Il est difficile de donner un ordre de prix pour les éoliennes et leur installation. En effet, cela dépend fortement du type d’éolienne, de sa marque ainsi que de la nature du projet. En outre, s’il faut un raccordement particulier au réseau de distribution ou de transport de l’énergie électrique via le placement d’une nouvelle ligne de transmission, cela vient s’ajouter aux frais de l’éolienne.

On peut d’abord introduire quelques tendances générales :

  • Le coût d’investissement par m² de surface balayée ou par kW installé diminue avec la taille des éoliennes : le coût total augmente mais le coût relatif par m² ou kW diminue.
  • Le coût varie selon le fabricant d’éolienne ainsi qu’en fonction du type de fondation.
  • Le coût peut être considérablement impacté par la distance de l’éolienne par rapport à un nœud du réseau susceptible de recevoir la production de l’éolienne. On pense notamment au fait de devoir tirer une nouvelle ligne.

Investissement par m² de surface balayée ou par kW ?

On trouve essentiellement dans la littérature des ordres de prix donnés en euros/kW installé. Certains auteurs considèrent plutôt l’investissement par m² de surface balayée par le rotor. En effet, la puissance nominale d’une éolienne peut être mesurée à des vitesses différentes d’une éolienne à l’autre. Cette dernière valeur n’est pas standardisée si bien que l’on ne sait pas de quelle puissance on parle. In fine, la relation entre la puissance et la taille de l’éolienne n’est pas directe.

Prenons, pour exemple, deux éoliennes de rendement instantané global identique et de puissance nominale égale. La première obtient son rendement nominal à 10 m/s et la seconde à 20 m/s. En gros, on s’attend à ce que la première éolienne aie une surface balayée 2³ soit 8 fois plus importante que la seconde. En termes de diamètre de rotor, la première éolienne a un rotor 8½ fois plus grand que la deuxième. En travaillant avec l’investissement rapporté par m² de surface balayée, on s’affranchit de cette limite.

Néanmoins, si on parle en termes d’investissement par m² balayé, on n’a aucune idée de rendement, d’efficacité du matériel, sur la qualité de l’éolienne.

Ordre de grandeur d’investissements totaux rencontrés

On donne ici un tableau établi en 2010 (mis à jour en 2018) reprenant des fourchettes de prix d’investissement total suivant différentes sources :

Taille de l’éolienne €/m² €/kW €/kW €/kW
Source ou auteur Paul Gipe Facilitateur
(APERe)
 EWEA
Micro-éolienne 2 000-3 000
Mini-éolienne 1 500-3 000
Eoliennes domestiques 1 500-2 500 5 000
Petites éoliennes commerciales 1 200-1 500
Grandes éoliennes commerciales 1 000-1 250 1  400 – 1 500 1000 1 000-1 400

Ordre de grandeur de la répartition des coûts pour un projet éolien de moyenne et grande puissance

On donne ici un tableau établi en 2010 et toujours d’actualité en 2018 reprenant des répartitions types dans l’investissement suivant différentes sources :

Schéma proportion des différents coûts éoliens.

Poste Facilitateur APERe Parc-eolien.com  EWEA
Eolienne 75 % 68 % 75 %
Raccordement au réseau 7 % 13 % 9 %
Génie civil 8 % 8 % 6.5 %
Ingéniérie 5 % 6 % 1.2 %
Etudes préliminaires 2 % 1.2 %
Autres 5 % 7 %

On voit que l’éolienne représente le gros de l’investissement et que le coût du raccordement au réseau est loin d’être négligeable.


La maintenance

Un aspect important d’un projet d’éolienne est la capacité à la maintenir en bon état de marche. Sans ce suivi, la machine ne fonctionnera pas efficacement sur toute la durée d’utilisation. En outre, il s’agit de garantir la durée de vie du matériel.

Voici quelques spécificités des frais de maintenance en faveur des grands projets éoliens :

  • Comparés à l’investissement, les frais de maintenance sont d’autant plus lourds que l’éolienne est petite. A la limite du raisonnement, on trouve les mini-éoliennes et les éoliennes domestiques. Dans le cas des mini-éoliennes, le coût de la maintenance voire de la réparation est tel qu’il ne se justifie pas souvent d’un point de vue strictement économique (de l’ordre de 300€ de maintenance annuelle pour une installation de 3 kWc). Dans les cas des éoliennes domestiques qui représentent déjà un investissement plus significatif, il est souhaitable de pouvoir réaliser une vérification des composants après quelques années. Néanmoins, sur base des recherches que nous avons faites sur les fournisseurs wallons d’éoliennes domestiques, ils n’offrent pas un tel service de maintenance et d’entretien. De manière générale, le propriétaire d’une telle éolienne devra assurer lui-même le suivi régulier de son installation, d’où l’intérêt de faire un relevé de la production électrique. En effet, toute dérive significative de production sera symptomatique d’un fonctionnement anormal, d’un élément défectueux. Le propriétaire bénéficie d’une garantie de quelques années sur le matériel au-delà de laquelle il doit se débrouiller avec son éolienne.
  • Les frais d’entretien augmentent avec le temps. Plus l’éolienne vieillit et plus les interventions sont lourdes pour la maintenir en état.
  • Plus l’éolienne est grande et plus le recours d’une équipe ou d’une société spécialisée pour réaliser les différents aspects de la maintenance sera rencontré. Du coup, la qualité de la maintenance sera plus facilement garantie.

À titre d’exemple, on peut citer les chiffres pour de grandes éoliennes : 5 % de l’investissement initial par année pour les 10 premières années de fonctionnement et 7 % de l’investissement initial par année pour les 10 années suivantes. D’autres sources donnent des valeurs de 1 à 2 % de l’investissement par année et certaines avancent 2 % les 10 premières années, 2,5 % de 10 à 15 ans et 3 % pour la fin de vie de l’éolienne (entre la 16e et 20e année). Il est difficile de savoir quels chiffres sont les bons tant les facteurs qui influencent ces chiffres sont nombreux. Néanmoins, si on travaille avec une éolienne que l’on espère faire tourner 20 ans, on constate que la maintenance est un poste important à intégrer dans l’analyse de rentabilité économique.

Si nous tablons sur une durée de vie de 20 années et un coût de maintenance annuel équivalent à 5 % de l’investissement initial : Le coût de la maintenance sur la durée de vie de l’éolienne sera alors égal à l’investissement initial pour cette dernière.


Production et rentabilité

Afin de pouvoir estimer la rentabilité du projet, il est nécessaire de pouvoir estimer la production électrique annuelle de celle-ci. Il s’agit essentiellement de connaître le potentiel de vent de son site. Il faut disposer de mesures correspondantes à la localisation exacte du futur mât de l’éolienne ainsi qu’à la hauteur à laquelle sera placé le rotor ou obtenir les statistiques du vent sur base de simulations numériques.

Une fois l’investissement connu ainsi que la production électrique annuelle escomptée, on peut déduire le temps de retour sur investissement. Il y a deux grands cas de figure :

  • Soit, toute l’énergie électrique est injectée sur le réseau, auquel il faudra regarder le prix auquel un fournisseur voudra acheter cette énergie,
  • Soit on consomme entièrement ou partiellement l’énergie que l’on a produite, il faudra alors intégrer le prix auquel on vend et on achète l’énergie à un fournisseur. En effet, l’énergie que l’on produit soi-même et qu’on consomme correspond à une quantité d’énergie non consommée sur le réseau et donc à une économie.

Coût du kWh produit

On peut réaliser une analyse simple de la rentabilité économique de la production d’électricité avec une éolienne. La dimension uniquement analysée ici est la dimension économique vue par l’investisseur. La réalité est plus complexe que cela … fort heureusement d’ailleurs … L’intérêt d’investir dans l’éolien ne se limite pas à une dimension purement économique. Par exemple, les avantages de l’éolien comparés aux centrales classiques à combustibles fossiles n’est plus à démontrer, que ce soit en termes de rejet de gaz à effet de serre (SER) ou d’autonomie en approvisionnement énergétique.

On considère ici une durée d’utilisation de 20 ans avec des frais d’entretien annuels de 5 % de l’investissement initial. L’investissement est pris à différentes valeurs : 1 000 €/kW et 1 500 €/kW qui sont représentatifs des grandes éoliennes ainsi que 2 000, 3 000, 4 000 et 5 000 €/kW pour de plus petites éoliennes. Il est alors possible d’évaluer le coût du kWh produit si on connaît la production annuelle d’électricité rapportée en nombre d’heures équivalentes de fonctionnement à puissance nominale.

Si on reprend 25 % de fonctionnement équivalent à puissance nominale (une valeur typique du grand éolien pour nos contrées), pour une année de 8 760 heures, cela donne approximativement 2 200 heures. Sur base du graphe ci-dessus, on voit que le prix du kWh produit s’échelonne de 5 c€/kWh pour des investissements proches de 1 000 €/kWN à 22.5 c€/kWh pour des investissements de 5 000 €/kWN représentatifs de petites éoliennes.

Pour les mini- et micro-éoliennes, le constat fréquent en Wallonie est que le nombre d’heures efficaces dépasse rarement les 1 000 h/an. En outre, l’investissement par kW nominal pour de telles éoliennes est relativement élevé. Prenons à titre d’exemple 5 000 €/kWN, tout en sachant que les prix varient fortement d’un constructeur à l’autre (en fait, la qualité varie aussi fortement selon les fabricants). Le coût du kWh produit est approximativement de 50 c€/kWh, ce qui est nettement supérieur à prix actuel de l’électricité du réseau. Cela explique pourquoi ces éoliennes sont surtout utilisées pour l’alimentation d’appareils dans des lieux éloignés du réseau électrique. On peut citer des applications de recharge de batterie pour des bateaux ou l’alimentation de clôtures électriques dans des exploitations agricoles.


Incitants fiscaux et aide à la production

Afin de promouvoir la production d’électricité verte sur base d’énergies renouvelables, les différents niveaux de pouvoir ont mis en place des dispositifs d’incitants financiers. On peut classer les différents mécanismes en deux grandes catégories :

  • Les certificats verts : Chaque producteur éolien reçoit 1 CV par MWh produit, pour une durée calculée en fonction de la rentabilité de chaque projet éolien. Cette durée est calculée par le régulateur de l’énergie wallon, la ouverture d'une nouvelle fenêtre ! CWaPE, dans le but d’atteindre un IRR/TRI de 7 %. Pour plus d’info, voire la note de la CWaPE sur le calcul du coefficient de rentabilité [keco] ainsi que l’arrêté ministériel. Attention, le taux d’octroi pour le petit éolien est supérieur.   http://www.cwape.be/?dir=0.2&docid=1528
  • Aides et subsides : Par exemple, à l’heure de l’écriture de cette section, c’est-à-dire en mars 2018, on pouvait compter les mécanismes suivants: aide à l’investissement pour les entreprises, Aide UDE de la DGO6 (uniquement petit éolien < 1 MW) http://www.wallonie.be/fr/formulaire/detail/20452, déduction fiscale d’une partie des bénéfices, exonération du précompte immobilier sur le nouveau matériel.

Pour plus de détail, nous invitons le lecteur à consulter les informations diffusées par le Facilitateur Énergies Renouvelables électriques [https://energie.wallonie.be/fr/facilitateur-energies-renouvelables-electriques-et-cogeneration.html?IDC=9546] éolien, c’est-à-dire l’APERe ou de prendre contact avec celui-ci, notamment via son site internet. [http://www.apere.org/]

Il est important de prendre en considération ces incitants financiers dans la mesure où ils améliorent considérablement la rentabilité économique. Le montant et le nombre de certificats verts sont d’ailleurs conçus pour rendre les énergies vertes compétitives par rapport aux filières traditionnelles.


Avantages des grands projets éoliens par rapport à des petites installations : projets  éoliens participatifs

Nous résumons ci-dessous les avantages d’investir en commun dans un grand projet éolien plutôt que de réaliser une multitude de petites installations :

  1. L’investissement ainsi que les frais de maintenance par m² ou par kW nominal diminue avec la taille de l’éolienne si bien que, avec un même budget total initial, on peut investir dans une surface balayée ou une puissance installée supérieure. En conclusion, on produira plus.
  2. Le rendement des éoliennes augmente avec la taille. En conclusion, on produira encore plus.
  3. On pourra travailler avec du matériel certifié et l’entretien sera réalisé systématiquement par des professionnels formés sur le matériel installé. En conclusion, on aura une garantie de qualité et donc une meilleure garantie sur les performances et la durée de vie.
  4. D’un point de vue financier, c’est répartir le risque de l’investissement sur un plus grand nombre de personnes.
  5. Permet de se payer une étude du potentiel de vent approfondie ce qui garantit les performances de la future éolienne. Pour des petits projets, l’étude de vent est plus difficile à rentabiliser.
  6. On peut déléguer et remettre le suivi du projet à des personnes plus compétentes ou qui ont un mandat clair et des moyens pour réaliser le projet. Ces personnes prendront la tête de l’initiative et pousseront le projet.
  7. L’avantage paysager est également à noter : mieux vaut une grande éolienne que 10 petites : pas de prolifération anarchique de petites constructions.

Nous invitons donc les lecteurs intéressés dans l’éolien à ne pas perdre cette possibilité de vue, de se renseigner sur les offres disponibles dans l’éolien participatif avant de se lancer seul dans son propre projet. En outre, une motivation majeure, souvent principale, est aussi de prendre part à une initiative citoyenne en faveur de la protection de l’environnement.

Des plateformes comme Coopalacarte (https://www.coopalacarte.be/fr) cartographient les projets d’énergie renouvelable belge où des coopératives citoyennes sont actives.

Ressources du vent et éoliennes

Ressources du vent et éoliennes

Photographie issue de la banque d’images de la Région wallonne.


Généralités

Une éolienne convertit l’énergie cinétique du vent en travail moteur, qui, sauf exception, sera converti en électricité. Pour assurer la rentabilité de l’implantation d’une éolienne, il est nécessaire de pouvoir évaluer le potentiel de vent dont on dispose sur un site particulier. Il s’agit, in fine, de l’énergie de base sans laquelle le projet n’aura pas de sens.

Dans la section sur rendement des éoliennes, les concepts de puissance instantanée du vent, l’énergie du vent ainsi que la distribution du vent ont été introduits. Dans cette page, nous allons voir comment ces notions indispensables à l’évaluation du rendement et des performances d’une éolienne sont reliées à l’évaluation des ressources du vent (ou potentiel de vent).

L’objectif n’est pas de donner un petit cours sur le vent, ses origines et les différents types de phénomènes météorologiques rencontrés. Il est plus prudent de s’en référer à la littérature ou à des sites spécialisés dans ce domaine. En effet, la physique rencontrée est complexe, il nous semble dangereux de simplifier les propos (seuls des spécialistes en météorologie semblent compétents pour réaliser une telle tâche). Par contre, nous allons plutôt nous focaliser sur l’interface entre notre éolienne et le vent, en d’autres termes, introduire des aspects spécifiques du vent qui sont en relation directe avec une exploitation efficace d’une éolienne.


Propriété du vent : continuité dans le temps et l’espace

C’est un titre un peu pompeux. Le message à faire passer est relativement simple, mais très important : pour comprendre le potentiel et le comportement du vent en un point donné du globe, en l’occurrence à l’endroit où vous voulez implanter une éolienne, vous devez tenir compte de phénomènes physiques à la fois locaux et globaux (au niveau de l’espace), à la fois courts et de plusieurs années (au niveau de l’échelle de temps). Le comportement de votre vent sur votre site dépend de l’interaction de phénomènes à des échelles de plusieurs milliers de kilomètres à quelques mètres, à des échelles de quelques années à quelques secondes. C’est ce qui rend l’étude du vent et la météorologie extrêmement complexe. Il suffit de suivre les prévisions météo sur plusieurs  jours et de les comparer à la réalité pour s’en convaincre. Tenter de comprendre le vent uniquement sur base de phénomènes locaux ou uniquement globaux aboutit inéluctablement à des erreurs significatives. Il en va de même pour l’évolution dans le temps.

Par conséquent, il est difficile d’évaluer le potentiel. Le nombre de méthodes pour y arriver est relativement limité.

Potentiel du vent : mesure in situ

La méthode la plus sûre est de simplement réaliser des mesures de la vitesse du vent « in situ ». On insiste bien sur le terme « in situ ». Il s’agit bien de vérifier localement ce qui se passe et pas de tenir compte d’une station météorologique voisine. Dans le cas des mesures, on constate et on analyse le potentiel de vent dont on dispose. Il n’est même pas question de comprendre les phénomènes physiques qui sont à la base de ce comportement. À noter que ces mesures se font en haut d’un mât qui est à une hauteur représentative de la future éolienne, au moyen d’un anémomètre.

Potentiel du vent : simulations par logiciel

On peut réaliser des simulations au moyen d’ordinateurs qui permettent de calculer des modèles atmosphériques. Il s’agit d’une approche complexe réservée à des spécialistes.  C’est pourquoi cette tâche est souvent sous-traitée. Néanmoins, il faut savoir que ces méthodes tiennent compte à la fois des phénomènes globaux et locaux (parfois jusqu’à 100-250 m) pour évaluer le potentiel du vent pour un site donné. Pour compléter l’analyse, il reste des phénomènes encore plus localisés (inférieurs à 100-250 m) qu’il faut intégrer de manière indépendante. De même, le comportement est modélisé sur une base de temps de quelques minutes pour accumuler plusieurs années. Attention, il s’agit du temps du modèle. En réalité, ces simulations par ordinateurs ne prennent que quelques minutes voire quelques heures pour les plus précises. Cela montre tout l’intérêt : on peut connaître en quelques heures ce qui va se passer en moyenne sur plusieurs années. On peut citer la société wallonne ouverture d'une nouvelle fenêtre ! ATM-PRO située à Nivelles qui s’est spécialisée dans les logiciels environnementaux, notamment pour évaluer le potentiel de vent.

Les échelles de temps

Le vent en un point donné est sujet à des fluctuations dans le temps. Ces variations peuvent avoir plusieurs échelles. Il peut s’agir de fluctuations de quelques secondes, comme des bourrasques, de variations de quelques minutes ou le long de la journée, de fluctuations induites par l’alternance jour-nuit, par les saisons voire des variations de comportement entre les années. En outre, dans ces considérations, on n’a même pas encore parlé des fluctuations de vitesses induites par la turbulence.

Par avoir une évaluation fiable de la vitesse moyenne ainsi que sa variance en un point, il faut compter une dizaine d’années de mesure. Bien évidemment, on ne dispose pas toujours d’un intervalle de mesure aussi long. De plus, pour valider le potentiel d’un site, on n’a souvent pas envie d’attendre si longtemps. Il faut alors trouver une méthode pour pouvoir obtenir le comportement du vent sur base d’une période de mesure beaucoup plus courte. On parle d’un minimum de quelques mois à une année complète. C’est à ce stade que les fonctions de distribution statistiques interviennent. Elles permettent sur base de données lacunaires de reconstruire le comportement global. En fait, derrière cela, on a fait une hypothèse sur l’évolution globale du vent, d’où le nom d’approche « statistique », mais elle semble être bien validée pour nos contrées.

Les échelles d’espace

L’origine du vent vient d’un niveau d’ensoleillement et d’un niveau d’absorption qui varient selon l’endroit du globe. L’équateur est plus chaud que les pôles. Cela génère une différence de pression le long de la surface de la terre qui met les masses d’air en mouvement dans les couches inférieures de l’atmosphère (troposphère). On appelle cela des cellules convectives. On se situe donc à un niveau global de plusieurs centaines voire des milliers de kilomètres.

A coté de ces phénomènes globaux, les propriétés géographiques locales sont susceptibles de générer des variations par rapport aux mouvements globaux. Ces variations interviennent sur des échelles de plusieurs centaines de kilomètres à quelques dizaines de mètres. In fine, on trouve des variations très localisées, comme la présence d’un bâtiment isolé qui influence l’écoulement dans son voisinage, mais qui seul ne modifie pas la topologie de l’écoulement dans sa région.

On rencontre parfois des atlas de potentiel de vent qui donnent la vitesse de vent à divers endroits du globe, voire sur une région donnée. Ces atlas ne tiennent pas compte des particularités locales (c’est-à-dire d’obstacles comme des immeubles et du relief local). Ils donnent une bonne idée du potentiel d’une région ou d’une zone, ce qui peut être intéressant pour la mise en œuvre d’une politique globale concernant l’éolien dans la région concernée. Néanmoins, les atlas ne permettent pas la sélection d’un site particulier pour l’implantation d’une éolienne. Comme évoqué ci-dessus, c’est dû au fait que la méthode ne tient pas compte de spécificités locales, spécificités qui ont un impact majeur sur le potentiel du vent. En conclusion, on verra les atlas comme de bons indicateurs globaux. Avoir un bon niveau de vent dans un atlas est plutôt une condition nécessaire que suffisante.

À titre d’illustration, une vue globale de l’atlas européen des vents développé par le laboratoire national danois RISO. Il considère cinq niveaux de ressource différents définis en fonction de la vitesse moyenne du vent ainsi que le type de topographie.


Influence du terrain

On met l’accent sur des caractéristiques plutôt localisées (de quelques mètres à quelques kilomètres) dans la mesure où ce sont des éléments qui peuvent être pris en compte lors de la conception d’un projet éolien. En effet, au-delà d’une certaine échelle de vent, les actions possibles qui peuvent être entreprises par un concepteur n’ont aucune influence sur ces grande échelles alors qu’il peut faire des choix d’emplacement sur un site en fonction de caractéristiques locales du vent pour optimiser son implantation.

Distinction entre terrains plat et non plat

Illustration du concept de terrain plat et non plat.

Un terrain est non-plat quand les effets du terrain sur l’écoulement de l’air sont significatifs. On peut prendre l’exemple d’une colline ou d’une vallée. À l’opposé, le terrain est considéré comme plat quand il contient de petites irrégularités (par exemple, des haies). Il est difficile d’établir une règle précise pour différencier les deux types de terrain. Voici une proposition rencontrée dans la littérature :

  • Le rapport maximum entre la hauteur d’une irrégularité et sa longueur ne peut dépasser 1/50 dans un rayon de 4 km en aval de l’éolienne. En gros, cela favorise les collines à faible pente.
  • Le point le plus bas du rotor doit être au moins trois fois plus haut que la plus haute irrégularité sur le terrain dans un rayon de 4 km en aval de l’éolienne.

Écoulement sur un terrain plat avec des obstacles

Illustration de la zone d’influence sur l’écoulement d’un obstacle.

Il peut s’agir d’obstacles naturels comme une rangée d’arbres ou des haies, voire d’obstacles érigés par l’homme comme un ou des immeubles.
Un obstacle est un objet :

  • dont la zone d’influence sur l’écoulement (en d’autres termes, la région qu’il perturbe) rentre en contact avec l’éolienne. La figure ci-dessus décrit la forme caractéristique de cette région d’écoulement fortement perturbé ainsi que ses longueurs typiques. On voit que l’écoulement est perturbé sur une vingtaine de fois la hauteur de l’obstacle en aval, mais l’objet perturbe aussi le vent en amont. À noter aussi que la zone perturbée se développe à une hauteur typiquement deux fois plus importante que l’obstacle. Dans cette zone, le vent est fortement fluctuant, tant en amplitude qu’en direction. Dans la mesure du possible, il est souhaitable de placer son éolienne à l’extérieur de la zone d’influence d’un objet.

En fait, sur base de cette définition, un obstacle est un objet capable de perturber significativement l’écoulement qui va venir rencontrer le rotor de l’éolienne. Il y a  bien deux conditions, une sur la longueur, une autre sur la hauteur. Premièrement, la zone d’influence de l’objet sur l’écoulement peut atteindre l’éolienne. Par exemple, si un petit immeuble isolé se trouve à plusieurs centaines de mètres d’une grande éolienne, il n’aura guère d’influence sur la nature du vent que le rotor de cette éolienne rencontrera. Il est trop loin.  Deuxièmement, l’obstacle doit avoir une hauteur comparable à la taille de l’éolienne. Imaginons un homme ou un tracteur se déplaçant sur le terrain d’une grande éolienne, on comprend rapidement que cela n’aura pas d’influence sur le comportement aérodynamique de l’éolienne.

Écoulement sur un terrain non plat avec de petites caractéristiques

Lorsque l’on se trouve sur un terrain non plat, on a des effets d’accélération et de décélération. Il faut donc veiller à placer l’éolienne dans une zone d’accélération par rapport à la direction dominante du vent.


La vitesse et la hauteur

Lorsque l’on réalise une mesure de la vitesse du vent, il faut toujours indiquer à quelle hauteur au-dessus du sol cette mesure a été effectuée. Imaginons que vous essayez d’estimer le potentiel éolien existant sur un terrain donné, plus particulièrement à un emplacement donné de ce terrain. Vous réalisez une campagne de mesure durant laquelle vous placez un mât de mesure qui fait 20 m de hauteur. Et bien, les vitesses de vent que vous allez rencontrer à cette hauteur sont différentes de ce que vous mesureriez à 30 ou 50 m.

Cette caractéristique est assez importante dans la mesure où, en début de projet, vous ne connaissez pas encore la hauteur du mât à laquelle vous allez placer votre éolienne. Du coup, vous ne savez pas à quelle hauteur il y a lieu de réaliser votre mesure. En fait, c’est exactement la situation opposée : vous réalisez une campagne de mesure pour savoir à quelle hauteur vous devez placer votre éolienne.

Quel phénomène physique se cache derrière tout cela ? Dans le jargon de la mécanique des fluides, on appelle ce phénomène une couche limite. Parler de ce phénomène est relativement complexe et lourd, c’est pourquoi nous allons simplifier grandement son explication pour introduire les conclusions d’intérêt pour notre développement.

Si l’on se place à une certaine hauteur au-dessus du sol, le vent possède une certaine vitesse que nous appellerons Vr (pour vitesse de référence). Au niveau sol, c’est-à-dire l’air qui touche le sol, la vitesse du vent est nulle. Ce phénomène est induit par la viscosité de l’air. La vitesse du vent va donc progresser de zéro au niveau du sol à la vitesse Vr que nous avons mesurée à une certaine hauteur.  Cette progression entre ces deux vitesses se fera de manière plus ou moins régulière, avec des augmentations voire des diminutions locales de vitesse, suivant l’historique du vent, c’est-à-dire les obstacles que le vent a rencontrés avant d’arriver au point que l’on analyse ainsi que les modifications qu’il a subies.  En outre, la rugosité du sol a une influence sur l’évolution de la vitesse en fonction de la hauteur. En d’autres termes, la vitesse ne progresse pas de la même manière suivant que le sol soit en gazon ou recouvert de plantations. On pourrait croire que c’est complètement farfelu, voire improbable, mais il est possible de la justifier physiquement, ce que nous ne ferons pas, et l’expérience le prouve clairement.

L’évolution peut être très complexe et, de manière générale, il n’existe aucune méthode simple pour pouvoir prédire cette évolution de la vitesse en fonction de la hauteur. Si on ne peut extrapoler la vitesse mesurée à une autre altitude, il faut alors réaliser la mesure à une hauteur proche de ce que sera la future éolienne.

Heureusement, le comportement du vent se simplifie un peu dans certains cas particuliers. Et c’est souvent dans ces configurations particulières que l’on placera une éolienne. Du coup, des solutions pour déduire le vent à différentes hauteurs existent.

Terrains plats et homogènes : les lois de puissance

Lorsque le sol ne présente pas de variations de relief importantes comparées à la hauteur de la future éolienne et ce, dans un rayon de plusieurs dizaines de fois cette hauteur, on peut qualifier ce terrain de « plat« . L’évolution de la vitesse de vent au voisinage du sol évoluera de manière relativement lente et progressive au fur et à mesure que le vent parcourt le terrain.

Cette évolution restera progressive si la couverture de sol, essentiellement sa rugosité, n’évolue pas dans cette zone de rayon de plusieurs dizaines de fois la hauteur. On dira que le terrain est « homogène« .

Si l’éolienne se situe sur un terrain plat, homogène et sans obstacle alors le vent évolue de manière progressive sans être perturbé. Il rentre alors dans un régime plus standard dans lequel des lois permettent de déduire l’évolution de la vitesse en fonction de la hauteur. Et encore, il ne s’agit pas de n’importe quelle vitesse, mais d’une vitesse moyenne. Cette moyenne n’a rien avoir avec les moyennes introduites aux sections précédentes qui se réalisaient sur des périodes de plusieurs mois voire un an. Il s’agit maintenant de considérer des moyennes sur des échelles de temps de quelques minutes. En effet, le vent est de nature turbulente si bien que la vitesse fluctue de manière continuelle autour d’une certaine moyenne.  De manière très simplifiée, on peut dire que la turbulence ajoute un certain bruit de fond à l’évolution temporelle de la vitesse. Ce que les lois simplifiées proposent d’évaluer ici est l’évolution de la moyenne de la vitesse (où les fluctuations induites par la turbulence ont été filtrées) en fonction de la hauteur au dessus du sol. On peut illustrer cette distinction avec les deux figures ci-dessous, la première montrant un champ instantané et la seconde la moyenne.

     

Comparaison entre la visualisation expérimentale d’une couche limite turbulente comprenant un grand nombre de fluctuations (première figure) et l’évolution de la vitesse moyenne en fonction la hauteur (seconde figure). Les règles que l’on donne ici concernent uniquement l’évolution de la vitesse moyenne avec la hauteur pour les terrains plats, homogènes et sans obstacles.

La plus connue est la loi de puissance. Son fondement théorique est souvent mis en question, mais cette approche s’avère souvent utile sur le terrain ou dans les applications de l’ingénieur. Si on mesure à la hauteur de référence, hr, une vitesse, Vr, on peut déduire la vitesse V(h) rencontrée à une autre hauteur, h :

V(h) = Vr*(h/hr)α,

le seul paramètre à fixer étant le coefficient « α », dit coefficient de cisaillement. En fait, celui-ci dépend essentiellement de la rugosité du sol (ou de la couverture du sol si vous préférez) :

Terrain Exposant de cisaillement du vent, α
Glace 0.07
Neige sur terrain plat 0.09
Mer calme 0.09
Gazon coupé 0.14
Gazon court type prairie 0.16
Gazon long type cultures céréales 0.19
Haies 0.21
Arbres et haies clairsemés 0.24
Arbres et haies plus denses 0.29
Banlieue 0.31
Forêt 0.43

Exposant de cisaillement du vent en fonction de la rugosité du sol (pour une hauteur de référence de 10 m).

Puissance du vent et hauteur

Prenons pour exemple un terrain avec du gazon coupé caractérisé par un coefficient « α » de 0.14. Si on réalise une mesure, une vitesse de 5 m/s à une hauteur de 10 m, alors la vitesse du vent à 20 m sera de 5*(20/10)0.14 soit de 5.5 m/s, une augmentation de 10 %. Comme on sait que la puissance du vent dépend du cube de la vitesse, on a Pv(h) = Pv(hr)*(h/hr). La puissance aura, elle, augmenté de 34 %. Si on augmente la hauteur du mât d’un facteur 5, c’est-à-dire en le plaçant à 50 m, alors la vitesse augmente de 25 % et la puissance du vent double. Cela met clairement en évidence que la hauteur du mât à une très grande importance. Il faut toujours placer son éolienne suffisamment haut, dans le cas contraire, on risque d’avoir des rendements déplorables. Pour les petites éoliennes domestiques, une hauteur de 10m est un minimum.

Obstacle ou rugosité ?

Pour conclure cette section, il faut être prudent dans l’emploi d’un tel tableau et de la loi de puissance associée. En effet, le lecteur attentif aura remarqué que l’on a considéré des haies ou les arbres comme étant des obstacles, mais aussi dans le tableau ci-dessus comme étant simplement de la rugosité du sol. Finalement, quand faut-il considérer un objet comme de la rugosité ou comme un obstacle ? En fait, comme évoqué plus haut, un obstacle doit avoir une taille comparable à l’éolienne tandis que la rugosité doit être composée d’une multitude d’éléments petits par rapport à la taille de l’éolienne (pouvant être considérés comme étant des aspérités du sol). À titre d’exemple, si on place une éolienne dans une clairière entourée de forêt, les arbres sont des obstacles pour une petite éolienne et sont des éléments de rugosité pour une grande éolienne commerciale.

Couche limite et charge sur le rotor

Nous avons mis en évidence que la vitesse augmente avec la hauteur par rapport au sol. Cela a un impact évident sur l’énergie du vent qui sera récupérée par l’éolienne. On ne le répétera jamais assez, mais il faut que celle-ci soit placée suffisamment haut pour assurer la rentabilité, la viabilité du projet. Le choix de la hauteur de mât est donc de première importance.

Illustration d’un chargement asymétrique sur le rotor par le vent.

Un autre aspect lié à l’évolution de la vitesse avec la hauteur est la charge aérodynamique sur le rotor. Si l’on place le rotor de l’éolienne trop bas, il recevra comme annoncé un vent plus faible, mais cette vitesse risque en plus de varier significativement le long du rotor. En d’autres termes, les forces exercées par le vent seront plus importantes sur les pales pointées sur le haut que sur les pales pointées vers le bas. Du coup, le rotor est soumis à une contrainte mécanique de nature asymétrique (différence haut-bas) et fluctuante (le rotor passe de la position basse à la position haute). Ces contraintes ont un impact négatif sur la durée de vie du matériel.

Aérodynamique des éoliennes

Aérodynamique des éoliennes

Il s’agit d’une page qui peut s’avérer assez technique pour les personnes qui n’ont pas de base en physique ou en ingénierie. Néanmoins, cette page n’est pas absolument nécessaire à une compréhension d’ensemble du fonctionnement d’une éolienne. En effet, en pratique, il n’est pas obligatoire de comprendre les phénomènes physiques exacts qui rentrent en jeu, à partir du moment où l’on sait ce que l’on peut récupérer comme puissance et énergie électrique de la part de son éolienne. Néanmoins, afin d’être complet et de permettre aux personnes intéressées d’avoir une vue plus pointue ou complète, les bases de l’aérodynamique des éoliennes sont introduites ci-dessous.

La portance et la trainée

Pour comprendre le mode de fonctionnement d’une éolienne, il faut introduire quelques concepts d’aérodynamique. Parmi ceux-ci, les notions de trainée et de portance jouent un rôle majeur. Pour commencer, on simplifie le problème. En effet, lorsque l’on regarde une aile, qu’il s’agisse d’une aile d’avion ou d’éolienne, il s’agit d’un corps à 3 dimensions spatiales. En effet, une aile possède une certaine longueur de corde (direction « x »), une certaine cambrure (direction « y ») ainsi qu’une certaine envergure (direction « z »). De manière générale, il est assez difficile de considérer ces trois dimensions simultanément. On prend uniquement les deux dimensions (2-D) qui contiennent le phénomène physique dominant. Il s’agit de la dimension de la cambrure et de la corde. Ensuite, les aérodynamiciens intégreront la troisième dimension, c’est-à-dire l’envergure, comme étant une superposition de comportements en deux dimensions (2D) le long de l’envergure.

   

À droite, illustration du concept d’aile en trois dimensions avec une cambrure (direction »y »), une envergure L (direction « z ») et une corde (direction « x »).  Le profil d’aile (surface grisée) est obtenu en « découpant » une section de l’aile en un point le long de l’envergure. À droite, vue de profil d’une pale d’éolienne qui donne un bon aperçu d’un profil d’aile. Ici, il s’agit du profil en bout d’aile.

On analyse donc les phénomènes physiques au moyen de profils 2D d’aile. Ce profil est constitué, d’une part, d’un bord d’attaque et d’un bord de fuite, et d’autre part, d’une corde qui relie ces deux extrémités (voir figures ci-dessous). Dans le cas d’une aile complète en trois dimensions, la corde, c, varie généralement en fonction de la position de long de l’envergure. En outre, la forme du profil peut varier avec cette distance. C’est souvent le cas pour les grandes éoliennes dans la mesure où la vitesse du rotor près du moyeu est nettement plus faible qu’en bout de pale. Il n’est pas nécessaire de tenir compte de cette propriété pour comprendre le principe de fonctionnement d’une éolienne voire d’un avion.

Notre profil d’aile est placé dans un écoulement, par exemple, on place le profil au centre d’une soufflerie. L’air présente une certaine vitesse, V, mesurée loin devant le bord d’attaque. En effet, les vitesses que prend l’air autour d’une éolienne sont toujours inférieures à la vitesse du son. On dit qu’elles sont subsoniques. Dans ce cas, les informations peuvent remonter le courant parce qu’elles se propagent plus vite. En fait, l’information se déplace sous forme d’ondes de pression qui ont cette vitesse du son. Du coup, si l’écoulement est subsonique, l’information peut atteindre toutes les directions de l’espace. En pratique, qu’est-ce que cela veut bien dire ? Et bien tout simplement que l’air est déjà perturbé par la présence d’un avion ou d’une éolienne avant même de l’avoir touché. Autre exemple, lorsque vous soufflez sur votre doigt, l’air est perturbé par la présence de votre doigt avant même de l’atteindre. Cela se traduit par des trajectoires courbes des filets de courant (en gros, il s’agit de la trajectoire du fluide). On voit clairement dans les figures suivantes qu’ils sont déviés bien avant d’avoir atteint le bord d’attaque. Par conséquent pour avoir une bonne idée de la vitesse à laquelle on soumet notre profil, il faut le mesurer bien loin devant le bord d’attaque, suffisamment loin pour qu’il ne soit pas perturbé par la présence du profil. Dans le jargon de l’aérodynamique, on parle de vitesse infini amont.

   

Retournons à notre profil d’aile placé dans une soufflerie. De manière générale, la corde présente un certain angle avec la vitesse de l’air en amont, V. Cet angle s’appelle l’angle d’attaque (AOA pour « angle of attack »). Plus cet angle est important, plus les filets d’air sont déviés par le profil. En d’autres termes, la présence de l’aile réorganise localement l’écoulement de l’air (autour du profil). La partie du profil entre le bord d’attaque et de fuite orientée vers le haut est appelée, extrados, tandis que l’autre moitié orientée vers le bas est appelée, intrados. Du côté de l’extrados, l’aile a fait accélérer l’écoulement. Par contre, elle a ralenti l’écoulement côté intrados. La physique nous apprend qu’une telle accélération est accompagnée d’une diminution de pression alors que la décélération engendre une augmentation de la pression. Comme la pression est différente au-dessus et en dessous de l’aile, les forces de pression sur l’aile ne sont pas identiques au-dessus et en dessous. Il en résulte une force globalement orientée vers le haut. C’est cette force qui permet aux oiseaux ou aux avions de voler. Elle est d’autant plus importante que l’angle entre l’axe du profil, c’est-à-dire la corde, et la vitesse de l’air amont, V, est important, ou dit plus brièvement, plus l’angle d’attaque est important. Il y a une limite à ce raisonnement que nous introduirons plus tard (notion de décrochage).

La force sur l’aile peut, comme toute force, se décomposer en plusieurs composantes. Dans notre cas, on considère la composante dans la direction de l’écoulement, la force de trainée (D comme « drag »), et la force dans la direction perpendiculaire à l’écoulement, la force de portance (L comme « lift »).

Illustration des concepts dans le cas d’un avion volant horizontalement à vitesse constante.

Pour illustrer l’ensemble de ces considérations, voyons ce que cela donne dans le cas d’un avion. Supposons qu’il vole en ligne droite à une certaine vitesse constante, V, dans une direction que l’on prend dans un plan horizontal. En fait, supposons que nous nous déplacions à la même vitesse que l’avion. Par définition, nous ne le verrions pas bouger. Par contre l’air qui était au repos avant le passage de l’avion (vu par un observateur situé au sol), acquiert une certaine vitesse, V, si on le regarde à partir de l’avion. De manière plus rigoureuse, on dira que l’on met son repère sur l’avion et que l’on regarde les vitesses relatives à la vitesse de l’avion, V.  Son aile principale présente un certain angle avec la direction de vol, l’angle d’attaque. Il s’ensuit une force de portance verticale et une force de trainée horizontale appliquée à l’aile et donc à l’avion entier. La première permet de vaincre la force de gravité due à la masse de l’avion complet tandis que la seconde freine l’avion :

  • Dans le cas d’un planeur, l’avion n’a pas de moteur. La trainée a donc tendance à ralentir l’avion. Pour pouvoir maintenir sa vitesse et donc continuer à voler dans une atmosphère au repos, il doit toujours descendre progressivement en altitude (notion de taux de chute) pour maintenir sa vitesse. Dans la réalité, on sait que les planeurs tirent profit de mouvements d’air plus globaux au niveau de l’atmosphère. Ces mouvements naturels peuvent générer des vents ascensionnels qui permettent au planeur de prendre de l’altitude. Néanmoins, un planeur aura toujours intérêt à avoir une trainée la plus faible possible. Cette conclusion nous permettra de rebondir plus loin lors de nos explications sur les éoliennes.
  • Dans le cas d’un avion motorisé. La vitesse est maintenue constante grâce à l’action des moteurs. Ils exercent une force de poussée (T comme « thrust ») qui s’oppose à la trainée.

Le décrochage

Dans la section précédente, on a mis en évidence le phénomène physique qui générait la portance et la trainée d’un profil d’aile. On a aussi indiqué que cette force augmentait avec l’angle d’attaque du profil. Comme introduit précédemment, il y a une limite à cette croissance. Nous expliquons maintenant ce phénomène bien connu de décrochage (ou « stall » en anglais).

Courbe de portance en fonction de l’angle d’attaque pour un profil NACA.

Sur base de la courbe ci-dessus qui reprend l’évolution de la portance en fonction de l’angle d’attaque, on voit que cette force augmente progressivement jusqu’à un certain angle au-delà duquel la portance chute brusquement. Ce phénomène est appelé décrochage et l’angle à partir duquel il intervient, l’angle de décrochage. On voit qu’une fois l’angle de décrochage dépassé, les performances aérodynamiques du profil sont nettement dégradées. On imagine assez facilement ce que cela peut engendrer dans le cas d’un avion : une perte de portance brusque risque simplement d’engendrer une chute de l’appareil. A priori, on pourrait croire qu’il est assez farfelu d’introduire un tel phénomène dans le cas des éoliennes, mais comme cela sera expliqué, dans ce domaine d’application, le décrochage est parfois mis à profit pour contrôler la vitesse de rotor.

Explication du phénomène de décrochage

Le lecteur curieux aura peut-être envie d’en savoir un peu plus sur le principe du décrochage. Un élément de réponse simple est donné ci-dessous. Il n’a pas vocation d’être complet ou particulièrement rigoureux. Il cherche plutôt à démystifier le phénomène. Dans le cas d’un profil à angle d’attaque inférieur à la limite de décrochage, les trajectoires du fluide, à savoir l’air, sont infléchies par la présence du profil. Comme expliqué précédemment, on a une accélération côté extrados et une décélération côté intrados, accompagnée d’une diminution et une augmentation de pression, respectivement. Cette différence de pression sur les deux faces du profil est la base de la génération de portance.

   

Différence de la nature de l’écoulement entre un écoulement attaché et décroché.

Lorsque le profil décroche, les angles d’attaques sont trop importants et le fluide ne parvient plus prendre les trajectoires imposées par le profil (fortement incliné). Les trajectoires de fluides ont tendance à rester plus proches de leur situation initiale (avant que l’aile ne passe). Comme il y a moins de déformation de trajectoire, il y a moins d’accélération du fluide côté extrados du profil. Du coup, la dépression est moins importante et, sans surprise, la portance devient moins importante.

Pour augmenter l’angle d’attaque admissible avant de décrocher l’écoulement d’air, un dispositif aérodynamique, un générateur de vortex, peut être installé sur les ailes. Sans entrer dans les détails, ces petits appendices vont permettre de créer des tourbillons contrôlés de manière volontaire. Cette dynamique va plaquer le flux d’air contre la surface de l’aile permettant ainsi d’augmenter l’angle d’attaque admissible avant que la pale ne décroche.


Les forces aérodynamiques sur le rotor d’une éolienne

La première section nous a permis d’introduire les notions nécessaires pour comprendre les phénomènes physiques majeurs qui s’appliquent sur le rotor d’une éolienne. On a introduit la notion de profil d’aile, de corde, d’angle d’incidence ainsi que de trainée et de portance. Lorsque l’on considère une éolienne, le problème se complexifie un peu. En effet, il faut considérer en plus la vitesse de rotation des pales qui, en pratique, est de loin plus élevée comparée à la vitesse du vent. Dans la suite, on fait l’hypothèse d’une éolienne à axe horizontal.

            

Vitesses et forces exercées sur un profil d’une éolienne. On introduit l’angle d’incidence (alpha), de calage (beta) ainsi que la vitesse relative Va dans la figure de gauche. La résultante des forces engendrée par la vitesse du vent et la rotation de l’éolienne est illustrée dans la figure de droite.

Influence de la vitesse de rotation sur l’angle d’attaque et l’intensité de la vitesse

Considérons un profil d’une pale de notre éolienne obtenu en « coupant » l’aile à une certaine hauteur, r, comprise entre le moyeu et l’extrémité de la pale. Vu du haut, cela donne approximativement la figure ci-dessus (à gauche) où la grande flèche noire indique le sens de rotation.  Si l’éolienne a une vitesse de rotation de n (Hz ou tours/seconde), alors à la hauteur du profil, la vitesse tangentielle de la pale induite par la rotation, U, est de

U = n.(2*pi*r) en [m/s],

toujours dans le sens de rotation. On voit clairement que la vitesse augmente proportionnellement avec la hauteur le long de la pale. La vitesse tangentielle maximale sera obtenue en bout d’aile. En plus de la vitesse de rotation, on a toujours la vitesse du vent, V, mesurée loin en amont de l’éolienne. Comme expliqué précédemment, l’écoulement est déjà influencé par la présence de l’éolienne avant d’arriver au niveau du rotor si bien qu’il est partiellement freiné avant d’atteindre celui-ci. En pratique, la vitesse aura idéalement diminué d’un tiers si bien qu’on se retrouvera avec 2/3 de V dans la direction perpendiculaire au plan de rotation, la direction axiale. Comme on l’a fait ci-dessus en considérant un avion, on place notre repère de vitesse sur le profil d’aile. Il faut alors combiner la vitesse de rotation de l’éolienne, U, à cette hauteur, à la vitesse 2/3 V du vent pour obtenir la vitesse du vent relative rencontrée par le profil de l’éolienne, Va. C’est cette vitesse qu’il faut connaître pour pouvoir estimer la force qui sera exercée sur le profil de la pale. En effet, on connaît maintenant la vitesse de l’écoulement (la norme du vecteur Va) mais aussi son angle d’attaque. Comme on l’a introduit ci-dessus, il ne suffit pas de connaître la vitesse du vent, V. La vitesse tangentielle, U, induite par la rotation influence significativement l’écoulement qui sera reçu par le profil.

On introduit un nouvel angle de première importance, l’angle de calage (« pitch angle » en anglais). Il se définit comme étant l’angle entre le plan de rotation et la corde du profil. Contrairement à l’angle d’attaque, il ne dépend pas de conditions de l’écoulement. Il s’agit d’un paramètre géométrique que l’on peut adapter. En effet, l’angle d’attaque dépend des conditions de fonctionnement. Dans le cas de notre éolienne, il dépend de la vitesse du vent, de la vitesse de rotation ainsi que de l’orientation de la corde du profil (autrement dit de l’angle de calage).

Représentation schématique de la variation de l’angle de calage des pales d’une éolienne.

On peut faire varier l’angle de calage en faisant tourner la pale autour de son axe, tel qu’illustré dans la figure ci-dessus. On voit qu’en modifiant cet angle, on modifie l’angle d’attaque et par conséquent la force qui sera exercée sur le rotor. Le pivotement des pales peut être réalisé par des actionneurs électromécaniques ou par un système hydraulique.

Vrillage de l’aile

Comme la vitesse relative, Vr, augmente avec la hauteur de long de la pale, la géométrie de celle-ci est adaptée à cette augmentation de vitesse. On voit notamment la diminution de l’angle de calage avec la hauteur pour garder l’angle d’attaque comparable tout le long de la pale. C’est cette variation qui donne un aspect vrillé à la pale.

Diminution de l’angle de calage avec la hauteur le long de la pale : effet de vrillage. On voit que Vr augmente entre le pied et la tête de la pale. Pour maintenir un angle d’attaque, alpha, constant, l’angle de calage, Theta, est modifié.

Caractéristiques de la force exercée sur le profil d’une éolienne

On voit, dans la deuxième figure sur la décomposition des forces (placée un peu plus haut), que la vitesse relative caractérisée par une certaine intensité et une direction décrite par l’angle d’attaque, induit une force sur le profil. Cette force F, se décompose en une composante tangentielle, FT qui contribue positivement à la rotation de l’éolienne, c’est l’effet utile recherché (du moins pour toutes éoliennes basées sur la portance), et une composante axiale FN perpendiculaire au plan de rotation qui n’a aucun effet utile. Au contraire, cette force axiale soumet l’éolienne par sa poussée à une contrainte mécanique importante. C’est l’élément dominant lors du dimensionnement du mât d’une éolienne. Si on décompose la force aérodynamique selon sa composante de portance et de trainée, on en déduit les propriétés suivantes :

  • La portance L, contribue positivement à la rotation de l’éolienne. En d’autres termes, elle induit une force dans le sens de rotation, c’est l’effet utile recherché. C’est aussi pourquoi on dit que ces éoliennes sont basées sur la portance.
  • La trainée, D, contribue négativement à la rotation de l’éolienne. En d’autres termes, elle induit une force dans le mauvais sens, c’est un effet parasite. Elle diminue le rendement de conversion de l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique sur le rotor. C’est pourquoi, tout comme un planeur, les pales d’une éolienne sont conçues pour minimiser la trainée et obtenir ainsi les meilleurs rendements.

Le réglage de la puissance : calage et décrochage

Pour faire fonctionner une éolienne correctement, on doit pouvoir jouer sur les paramètres aérodynamiques des pales pour contrôler la vitesse de rotation ainsi que la puissance soutirée au vent :

  • Dans le cas de vents importants, le rotor peut être soumis à des forces mécaniques qui peuvent dépasser les contraintes admissibles. En outre, la puissance fournie par le rotor est limitée par la puissance maximale de la génératrice.
  • Dans le cas de fonctionnement normal, on doit pouvoir fonctionner à la vitesse de rotation souhaitée ou du moins, prédéfinie.

Il y a deux grandes manières de faire varier, et donc de contrôler, la force aérodynamique sur le rotor d’une éolienne : changer l’angle d’attaque et diminuer la surface au vent balayée par l’éolienne. La deuxième solution s’obtient en décalant le rotor (« yawing » en anglais) par rapport à la direction du vent (selon un axe vertical pour un décalage gauche-droite, ou selon un axe horizontal pour mettre incliner le rotor vers l’horizontal). On s’attardera ici sur la première solution basée sur l’angle d’attaque.

Modification de l’angle d’attaque via l’angle de calage d’une pale

La manière la plus efficace de modifier l’angle d’attaque est de jouer sur l’angle de calage.  Celui-ci peut être modifié en faisant pivoter la pale le long de son axe. Pour contrôler la force appliquée, on peut procéder de deux manières distinctes :

  • On peut augmenter l’angle de calage pour diminuer la puissance ou le réduire pour augmenter cette puissance (« pitch control » en anglais). A la limite si l’on souhaite réduire au maximum les forces exercées sur les pales pour garantir leur intégrité, notamment en présence de grands vents, on peut les placer en drapeau par rapport à la direction du vent (« feathering » en anglais).
  • Une autre manière de limiter la puissance est de dépasser rapidement l’angle de décrochage ce qui induit une diminution significative de la portance (« stall control » en anglais). Hormis pour certaines réalisations, cette seconde méthode est moins efficace que la première. Elle serait apparemment moins précise et les forces appliquées aux pales seraient plus intermittentes (dû au caractère fortement instationnaire du phénomène de décrochage).

Illustration de la variation de la force aérodynamique : diminution par réduction de l’angle de calage (centre) ou par décrochage (droite).


La trainée induite : aile d’envergure finie

Dans les développements précédents, on a essentiellement considéré les phénomènes physiques sur base de profils d’aile. En d’autres termes, on a tenu compte de deux dimensions de l’espace, c’est-à-dire la direction axiale (sens de l’écoulement pour une éolienne à axe horizontal) et tangentielle (plan de rotation). D’un point de vue purement théorique, c’est équivalent à considérer une aile infiniment longue. Pas simple de convaincre le lecteur de cette assertion, mais cela semblera sans doute plus clair par la suite. En réalité, tout le monde sait qu’une aile, que ce soit d’avion ou une pale d’éolienne, n’est pas infiniment grande. Elle a en effet une certaine envergure. Cela peut sembler trivial, mais, comme on va l’expliquer, cette limite va nous obliger à tenir compte de la troisième dimension spatiale dans notre raisonnement. Il s’agit de la direction radiale pour une éolienne à axe horizontal.

Photographie d’un tourbillon de sillage induit par un avion.

Tourbillons de bout d’aile : l’origine du phénomène

Comme on l’a expliqué précédemment en introduisant le phénomène de portance, une aile présente une certaine surpression à l’intrados et dépression à l’extrados. Que se passe-t-il en bout d’aile ? En bout d’aile, on a une région de haute pression (dans le cas d’un avion, en bas) et de basse pression (dans le cas d’un avion, en haut) qui sont voisines et non séparées par l’aile. En conséquence, l’air va se déplacer de la zone haute pression vers la zone basse pression dans un mouvement de contournement du bout d’aile. L’air se met donc globalement en rotation. Il crée un mouvement « cohérent » de rotation que l’on appelle « tourbillon ». Comme, il y a deux extrémités à une aile, on trouve deux tourbillons. Ceux-ci tournent en sens opposés l’un par rapport à l’autre.  Ce phénomène de tourbillon est clairement visible sur la photographie ci-dessus où l’on voit que l’air est mis en rotation au niveau des bouts d’aile après le passage de l’avion. Ce comportement n’a lieu que si l’aile a une certaine envergure. Si elle avait été infiniment grande, on n’aurait pas rencontré ce phénomène. Cela explique la distinction que nous avons introduite en début de section.

Ce phénomène de tourbillon est clairement visible au passage d’un avion à réaction dans un ciel bleu. En effet, la combustion qui a lieu dans un moteur d’avion rejette principalement de l’eau sous forme de vapeur et du CO2. Comme les avions volent à relativement haute altitude, la température de l’air à cette hauteur est largement négative (en °C). Du coup, l’eau qui est éjectée par les moteurs à l’état de vapeur se condense pour former de fins cristaux de glace. C’est la trainée blanche que l’on voit derrière un avion. En effet, l’eau à l’état de vapeur n’est pas visible. Par contre, une fois condensée, elle interagit avec la lumière. Revenons à nos moutons en ce qui concerne les deux tourbillons de bout d’aile. L’eau rejetée par les moteurs est capturée par les deux tourbillons de bout d’aile (phénomène dit d’ « enroulement »). Par conséquent, cela rend ces deux tourbillons visibles (parce que l’eau dans un état visible est capturée par les tourbillons). Ce sont les deux longues trainées blanches que vous voyez par ciel bleu derrière un avion de ligne. Vous remarquerez que, même si l’avion à quatre moteurs, in fine, il reste toujours deux trainées. Cela montre bien que les deux tourbillons capturent le « panache » des moteurs.

On peut se rendre compte que le même phénomène a bien lieu dans le cas d’éolienne. La figure suivante montre l’émission d’un tourbillon en bout de pale qui est translaté en aval par le vent.

 

Visualisation par dégagement d’un traceur (fumée) du sillage d’une éolienne expérimentale bi-pale.

Tourbillons de bout d’aile : augmentation de la trainée

Le phénomène de tourbillon de bout d’aile génère quelques problèmes. Nous retiendrons uniquement ici la contribution à la trainée. En effet, les tourbillons génèrent un mouvement de l’air global vers le bas juste en aval de l’aile. Ce mouvement induit par les tourbillons modifie les angles d’attaque des ailes si bien que la force est décalée vers l’arrière, augmentant ainsi la trainée. La contribution de la trainée induite est non négligeable, surtout à basse vitesse (ce qui est le cas des éoliennes). Du coup, il faut chercher à minimiser ces tourbillons de bout d’aile.

Vue de la composante verticale du champ de vitesse derrière un avion.

Retenons simplement que la forme de l’aile à une importance majeure. Un paramètre de première importance est l’allongement relatif qui est le rapport entre l’envergure et la corde moyenne d’une aile (ou d’une pale). Plus ce rapport est grand et plus la trainée induite est faible. C’est typiquement la raison pour laquelle les planeurs ont de grandes ailes allongées. En effet, ils n’ont pas de moteur si bien qu’ils sont conçus pour minimiser la trainée. En outre, ils volent à basse vitesse si bien que la trainée induite est non négligeable. En ce qui nous concerne, c’est une des raisons qui permettent d’expliquer pourquoi les éoliennes ont des pales si allongées.

 photo avion.     Photo éolienne.

Pour réduire la traînée induite par les tourbillons de bout d’ailes, le monde éolien s’est inspiré de l’aéronautique. Le monde de l’aviation et aujourd’hui celui de l’éolien utilisent un dispositif biomimétique : le winglet, sorte de petite cassure perpendiculaire située en bout de pale qui permet d’augmenter l’allongement effectif de l’aile et ainsi de réduire la traînée induite par les vortex de bout de pale.

Schéma principe du winglet.Photo de winglet.

Génératrice et dynamique du rotor

Génératrice et dynamique du rotor

Il s’agit d’une section plus technique qui approfondit certains aspects liés à la dynamique de l’éolienne. Cela inclut inévitablement de considérer la technologie de génératrice utilisée ainsi que de considérer le système de transmission. Il n’est pas absolument nécessaire de comprendre les concepts suivants pour se familiariser avec les éoliennes, mais ils présentent l’avantage d’expliquer certains choix techniques.


Génératrice et transmission

La génératrice est l’élément d’une éolienne qui transforme l’énergie mécanique en énergie électrique. Les pales transforment l’énergie cinétique en énergie mécanique, celle-ci étant transmise à la génératrice via le système de transmission. Une fois le courant produit, celui-ci est généralement injecté sur le réseau électrique.

Illustration de la transmission entre le couple moteur appliqué sur les pales et la génératrice dans le cas d’une éolienne à axe horizontal.

Dans le cas des éoliennes à axe horizontal, la typologie de la chaîne de transmission est relativement standard. On trouve d’un côté les pales qui sont soumises à une certaine force et qui ont une certaine vitesse de rotation. Ces pales sont solidarisées à un moyeu, ce moyeu est lui-même connecté à l’arbre de transmission qui, in fine, est sujet à un couple moteur. À l’autre extrémité, on trouve la génératrice. Il s’agit de machines tournantes composées d’un stator et d’un rotor. Du coup, dans la suite de cette section, il faudra être vigilant dans l’utilisation du vocabulaire technique pour ne pas confondre le rotor de la génératrice avec le rotor de l’éolienne, composé des pales.

De manière générale, on trouve une boîte de vitesse (gear box) intercalée entre l’arbre et la génératrice.  En effet, la majorité des génératrices imposent une vitesse de leur rotor significativement supérieure à la vitesse du rotor de l’éolienne. Par conséquent, il est nécessaire de placer une boîte de vitesse pour multiplier la vitesse de rotation et assurer le couplage entre ces deux entités.

Génératrices synchrones ou asynchrones

On se trouve aussi bien en présence de machines synchrones (aussi appelées alternateurs) que de machines asynchrones (aussi appelées machines à induction). Le but de cette section n’est pas de donner une explication sur le mode fonctionnement de ces deux machines, mais plutôt de développer leurs spécificités et leurs impacts dans le cadre de l’éolien. La suite des développements est assez technique, mais, dans ce domaine, il est difficile de simplifier plus les propos. Fort heureusement, les fabricants d’éoliennes choisissent le bon système électrique adapté à leur éolienne. Même si ce n’était pas le cas, cela reste une question de spécialiste. En conclusion, il ne vous sera jamais demandé de choisir ou de concevoir un système électrique, composé d’un générateur, pour une éolienne. Des concepts sont uniquement introduits afin de permettre au lecteur de comprendre les enjeux de la conception de la génératrice.

Pour le lecteur qui ne souhaite pas aller plus loin, nous résumons le point important à retenir. Dans le cas des machines tournantes synchrones et asynchrones, on trouve une certaine tension alternative aux bornes du stator. Elle présente une certaine fréquence, f.

  • Dans le cas des machines synchrones, son rotor doit tourner à une vitesse constante dépendant de cette fréquence (à la vitesse dite de synchronisme). Si le stator est directement connecté au réseau électrique, la fréquence du stator, f, est la fréquence du réseau (50 Hz). Par conséquent, le rotor de la génératrice tourne à une vitesse fixe imposée par le réseau que l’on ne peut changer.
  • Dans le cas des machines asynchrones, son rotor tourne à une vitesse différente de la vitesse de synchronisme. Cette différence de vitesse de rotation dépend à la fois des propriétés de la machine et du couple moteur exercé sur le rotor de la génératrice. En conclusion, même si la machine est directement connectée au réseau électrique, il reste une certaine latitude sur la vitesse de rotor.

Moteurs synchrones

Dans le cas d’une machine synchrone, un champ magnétique est généré au niveau du rotor au moyen d’un aimant permanent ou d’un électroaimant alimenté en courant continu. De manière générale, on trouvera les technologies à aimant permanent sur les petites éoliennes. En effet, il est plus difficile de mettre en œuvre des aimants permanents sur des grandes machines. La spécificité de la machine synchrone est que le rotor tourne à la même vitesse que la fréquence de la tension appliquée au stator divisée par le nombre de paires de pôles de la machine :

n = ns = f/p,

où,

  • f représente la fréquence de la tension au stator,
  • p, le nombre de paires de pôles,
  • ns, la vitesse de synchronisme et
  • n, la vitesse de rotation du rotor.

De par le principe de fonctionnement de cette machine, le rotor tourne à la vitesse de synchronisme.

Si la génératrice est directement connectée au réseau électrique, la fréquence du stator, f, est égale à la fréquence du réseau électrique (c’est-à-dire 50 Hz). Le rotor tourne alors à une vitesse constante, n, qui dépend du nombre de paires de pôles de la génératrice, p.  Pour des questions de contraintes constructives, on ne peut augmenter ce nombre de pôles de manière infinie. La majorité des éoliennes ont deux paires de pôles. La vitesse de rotation du rotor sera donc de 1 500 tours/min. Cette vitesse est supérieure aux vitesses de rotation des éoliennes si bien que cela justifie la présence d’une boîte de vitesse.  Néanmoins, certains modèles ont un nombre de pôles plus important ce qui permet de réduire cette vitesse de synchronisme et d’être dans le même ordre de grandeur que la vitesse du rotor de l’éolienne. Dès lors, un couplage direct sans boîte de vitesse devient possible. Cela se fait au prix d’une machine plus complexe, plus volumineuse et donc, plus lourde et plus chère. En contrepartie, on a épargné la boîte de vitesse.

Le couple résistif du générateur dépend du décalage, c’est-à-dire du retard qui existe entre la force électromotrice (fem) générée par le rotor et la tension au stator. On appelle ce décalage, l’angle électrique. Si l’angle correspondant à ce déphasage dépasse 90°, on a phénomène dit de décrochage où le rotor s’emballe et la génératrice ne parvient plus à le freiner.

Courbe caractéristique du couple électrique en fonction de l’angle électrique pour une machine synchrone.

Moteurs asynchrones

Dans le cas d’une machine asynchrone, un courant alternatif est induit dans les bobines du rotor par le champ magnétique du stator. Ce courant est généré parce que le rotor tourne à une vitesse légèrement différente que la vitesse du champ magnétique généré par le stator, celui-ci tourne à la vitesse de synchronisme (telle que définie ci-dessus). Ce courant dans le rotor produit à son tour un champ magnétique qui interagit avec le champ initial du stator. De cette interaction, il est produit un courant qui sort de la machine. De par cette explication, on en déduit que la vitesse de rotor diffère de la vitesse de synchronisme (par définition, l’effet utile a lieu s’il existe une différence de vitesse). Si on reprend la notation ci-dessus, on a « n » différent de « ns ». Cette différence de vitesse est appelée glissement,

s = (ns – n)/ns, et différent de 0.

Le couple de freinage exercé par la génératrice sur le rotor dépend de ce glissement, s. On voit donc que la vitesse de rotation dépend du couple exercé sur le rotor du moteur. Dans le cas de la machine synchrone, on avait un couple qui dépendait d’un déphasage entre le rotor et le stator, l’angle électrique, mais l’ensemble tournait à la même vitesse. Par contre, dans le cas de la machine asynchrone, on a un couple dépendant de la différence de vitesse entre rotor et stator.

Courbe caractéristique du couple électrique en fonction du glissement pour une machine asynchrone.

Si la génératrice est directement connectée au réseau électrique, la vitesse de synchronisme, ns, est fixée par la fréquence du réseau et le nombre de pôles. Dans le cas de la machine asynchrone, le rotor peut tourner à une vitesse différente qui dépend du couple exercé par le rotor et de la courbe caractéristique du couple électrique du moteur à induction (présentée ci-dessus). Si on peut jouer sur le glissement de la machine, on peut alors fonctionner à une vitesse différente que celle imposée par le réseau qui est constante. On gagne en souplesse.


Dynamique du rotor : vitesse variable ou constante

Reprenons une nouvelle fois la configuration de la chaîne de transmission entre le rotor de l’éolienne, d’une part, et le rotor de la génératrice, d’autre part.

           

Schéma des forces appliquées au système de transmission ainsi que les éléments dominant pour l’inertie.

Si l’on examine les forces qui s’exercent sur l’arbre de l’éolienne, on voit que l’on trouve, d’un côté, le couple mécanique exercé par les forces aérodynamiques sur les pales de l’éolienne, et d’un autre côté, le couple de freinage exercé par la génératrice sur le rotor (c’est-à-dire le couple électrique). En effet, si l’arbre exerce un certain couple sur la génératrice alors la génératrice exerce par réaction un couple de freinage sur son rotor. On trouve souvent intercalé entre les deux extrémités une boîte de vitesse pour rendre les vitesses de rotation compatibles. Le rotor de l’éolienne ainsi que le rotor de la génératrice représentent les contributions principales pour l’inertie de la chaîne de transmission.

La vitesse du vent est, de par nature, fluctuante dans le temps, si bien que le couple aérodynamique varie suivant ces variations. On distingue deux grands types de fonctionnement qui ont un impact sur la manière dont on gère ces fluctuations de couple aérodynamique :

Éolienne à vitesse de rotation constante directement couplée au réseau électrique

Schéma éolienne à vitesse de rotation constante couplée au réseau électrique.

On considère ici une machine, synchrone ou asynchrone, directement connectée sur le réseau d’énergie électrique. Par « directement », on veut dire que l’on n’a pas intercalé, entre la sortie de la génératrice et le réseau, un système d’électronique de puissance qui permet de découpler le comportement électrique du réseau de celui de la machine (c’est-à-dire essentiellement un système « redresseur-onduleur »). C’est le montage le plus basique qui correspond typiquement à de vieilles façons de procéder.

Comme le stator de la génératrice est directement connecté au réseau, on connaît la vitesse de synchronisme de la machine, ns.

  • Dans le cas de la machine synchrone, le rotor doit strictement tourner à la vitesse de synchronisme, ns.
  • Pour la machine à induction, la vitesse de rotation est différente de la vitesse de synchronisme, ce qui correspond à un certain glissement, s. Néanmoins, il faut savoir que ce dernier est limité. En fait, il est d’autant plus limité que la machine est puissante, et ce, pour une question d’efficacité énergétique.

Dans le cas d’une éolienne qui tourne à vitesse constante, le couple électrique doit être constamment adapté au couple aérodynamique. Tout au plus, on peut essayer d’intercaler entre les deux extrémités de la transmission, une certaine forme d’amortissement mécanique qui permet que les à-coups ne se traduisent pas directement en contraintes mécaniques dynamiques importantes sur l’ensemble de la transmission, avec les problèmes de durée de vie qui y sont liés.

Couple moteur aérodynamique = Couple résistif électrique

Si le vent vient à augmenter brusquement, cela se traduit par une augmentation soudaine du couple aérodynamique. Le couple résistif du générateur s’adapte presque instantanément pour égaler ce couple aérodynamique. Cela se fait soit par une augmentation de l’angle électrique dans le cas d’une machine synchrone, ou par une augmentation du glissement dans le cas d’une machine à induction.

On voit qu’avec ce mode de fonctionnement, on a deux désavantages :

  • Le système de transmission est soumis à des charges dynamiques mécaniques importantes,
  • Par définition, la vitesse de rotation de l’éolienne reste constante (ou varie un peu dans le cas de la machine asynchrone avec glissement), et ce, quel que soit le régime de vent. Par conséquent, on ne peut maintenir le rapport entre la vitesse en haut de pale et la vitesse du vent qui garantit les meilleurs rendements aérodynamiques de la machine. On perd en efficacité.

Éolienne à vitesse de rotation variable couplée au réseau

On veut pouvoir travailler à vitesse de rotation variable pour toujours aller chercher les meilleurs rendements, en maintenant le « tip-speed ratio » optimum. En outre, on veut pouvoir minimiser les charges dynamiques sur la chaîne de transmission. En effet, si le vent vient à augmenter brusquement, cela se traduit par une augmentation soudaine du couple aérodynamique. Comme le couple électrique n’est pas obligé de s’adapter en fonction, le rotor va simplement se mettre à accélérer. En d’autres termes, le rotor accumule sous forme d’énergie cinétique (au moyen de l’inertie de rotation) l’énergie des fluctuations rapides de vent. Une fois que le vent diminue et reprend sa valeur précédente, le rotor décélère lentement en transférant son énergie accumulée à la génératrice.

Couple moteur aérodynamique différent du Couple résistif électrique

Génératrice synchrone couplée au réseau via un système redresseur-onduleur

Schéma génératrice synchrone couplée au réseau via un système redresseur-onduleur.

La fréquence à la sortie du stator de la génératrice synchrone n’est pas fixée. En effet, le système redresseur-onduleur permet de découpler le fonctionnement électrique de la machine électrique et du réseau. Du coup, c’est la vitesse de rotation du rotor qui donne la fréquence électrique à la sortie du stator. On peut laisser la vitesse de rotor varier. La fréquence du stator sera elle aussi variable, mais cela n’a aucune importance dans la mesure où un couple redresseur-onduleur va transformer cette tension alternative en une autre de fréquence et de tension différente, en l’occurrence, celles du réseau électrique.

Génératrice asynchrone combinée directement au réseau avec glissement important

Schéma génératrice asynchrone combinée directement au réseau avec glissement important.

Si on peut jouer sur le glissement de la machine à induction et que l’on est capable de le faire varier sur de larges plages, alors on peut travailler avec un rotor à vitesse variable. Typiquement, on peut augmenter le glissement du moteur en ajoutant des résistances au rotor. Cela peut se faire par un jeu de balais qui connecte le rotor par l’extérieur, ce qui permet d’avoir des éléments du circuit électrique à l’extérieur du rotor, autrement dit, fixes. Dans ce cas-ci, il s’agit de résistances. Néanmoins, pour atteindre des plages de variation importantes, le niveau de ces résistances est loin d’être négligeable si bien qu’elles engendrent beaucoup de dissipation. Heureusement, elles sont placées à l’extérieur du rotor à un endroit où elles peuvent évacuer facilement la chaleur. Néanmoins, ces pertes par effet Joule grèvent sérieusement le rendement. On ne peut pas raisonnablement envisager de travailler de cette manière.

Une solution est de faire varier les caractéristiques électriques du rotor via un système d’électronique de puissance. Dans ce cas, on peut faire varier le glissement de manière significative et donc la vitesse de rotation de l’éolienne sans créer de dissipation importante et donc conserver l’efficacité énergétique. L’avantage par rapport à une génératrice synchrone avec redresseur-onduleur est que, dans ce cas-ci, l’électronique de puissance embarquée est moins importante.